Le paradoxe du chômage dans un pays qui recrute

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Dominique Seux est directeur délégué de la rédaction des Échos.

« Le chômage dans une France qui recrute », titrions-nous dans un précédent numéro d’ÉcoRéseau Business (n°78). Dans une enquête publiée mi-août, l’Insee tablait sur un taux de chômage en France (hors Mayotte) d’environ 8 % – au sens du Bureau international du Travail, BIT. Bonne nouvelle quand même si l’on se penche sur les chiffres, cette fois-ci, de Pôle emploi – il faut s’y retrouver dans le labyrinthe du chômage – la tendance s’embellit. L’organisme constate une baisse du nombre de chômeur·ses en catégorie A en juillet (- 60 000). Après les replis observés aussi aux mois de mai et juin.

Problème, on compte toujours entre 3 et 4 millions de chômeur·ses en France (en catégorie A). Problème parce qu’en face, les entreprises recrutent. Allez voir du côté de l’hôtellerie-restauration… les employeurs ne demandent que cela. Recruter encore et encore. Le secteur réclamait même 300 000 saisonnier·ères pour l’été. Une plate-forme « HCR Emploi » tentait de réconcilier offre et demande. Même constat pour le secteur du bâtiment. La formation, l’une des clés pour résoudre cette inadéquation entre offre et demande ? GW

Dominique Seux

 « Emploi et chômage, le paradoxe »

« Pourquoi les entreprises semblent-elles avoir tant de difficultés à embaucher alors que notre pays est un de ceux qui affichent le nombre de chômeurs le plus élevé (8 %) ? Ce paradoxe propre à la France n’est pas franchement nouveau. Mais il ne met généralement pas les recruteurs de bonne humeur…

Grâce au chômage partiel et aux aides à la trésorerie des entreprises, les confinements successifs avaient détruit beaucoup moins d’emplois qu’on pouvait le craindre. Depuis le début de l’année, ce sont les créations de postes qui surprennent par leur ampleur : 440 000 entre janvier et juin. Et ce n’est pas fini : Pôle Emploi affiche ces jours-ci environ un million d’offres en permanence, plus que d’habitude. Mais voilà, les enquêtes disent toutes que les patrons ont du mal à recruter.

Cette situation a une explication conjoncturelle qu’il ne faut pas sous-estimer. D’autant plus qu’on la retrouve ailleurs, notamment aux États-Unis. « S’il y a des difficultés de recrutement dans la plupart des secteurs, c’est avant tout parce qu’il y a des recrutements : 800 000 par mois sur des CDI ou des CDD de plus d’un mois en avril, mai et juillet, un record », a expliqué récemment avec bon sens l’économiste Denis Ferrand (Rexecode). Bref, c’est de l’encombrement passager.

Une autre difficulté prendra en revanche plus de temps à trouver une solution. Laquelle ? La crise sanitaire a rebattu des cartes et des Français veulent changer de métier, de lieu de résidence voire de mode de vie. C’est particulièrement frappant dans la restauration, le secteur de loin le plus en « tension » après avoir été celui qui a le plus été fermé depuis dix-huit mois : des serveurs, des cuisiniers etc., sont tout simplement allés voir ailleurs. Ils ne reviendront pas si les salaires ne sont pas augmentés.

Ces jours-ci, la question, justement, des salaires, occupe le débat public. Les syndicats estiment que le moment de les remonter est arrivé, des candidats à la présidentielle (Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, etc.) en parlent, le Medef lui-même l’évoque. Qui n’en rêverait pas, avec une inflation qui sort du tube de dentifrice ? Il appartient aux branches professionnelles de s’y atteler. Mais le bon sens (encore), invite à rappeler, hélas, que ce sont les métiers qualifiés qui tirent généralement leur épingle du jeu…

Reste le point le plus délicat, celui de l’indemnisation du chômage. Il est compliqué à évoquer parce que personne ne vit royalement d’allocations, que la moitié seulement des chômeurs est indemnisé et que la grande majorité d’entre eux cherchent ardemment un emploi. Des aberrations du système font néanmoins qu’il est plus rentable de travailler un jour sur deux que tous les jours (modalités de calcul du salaire journalier de référence). »

Retrouvez la tribune publiée par Ouest France ici.

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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