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La journaliste (re)connue pour un 7 sur 7 que tous les Français·es passée la quarantaine placent en tête des émissions politiques d’une télévision de qualité qui n’existe plus, n’en finit pas, quoi qu’elle s’en défende, de composer sa mémoire au travers de livres tous inspirés de sa carrière. Aucun roman, ce qu’elle explique justement par la religion des faits journalistiques et de la réalité des événements qui ont éclipsé totalement sa capacité à imaginer.
Son Passé composé (Grasset) pourrait attirer des lecteur·rices alléché·es par ses souvenirs liés à l’affaire Dominique Strauss-Kahn, le mari plus que volage. Ils et elles seront déçu·es. Anne Sinclair affirme n’avoir rien vu, rien compris, rien pressenti, dans la peau d’une naïve que personne n’aurait mise en garde, le tout dans un chapitre qualifié d’Impossible. Tant pis, car l’important de ses souvenirs a trait aux personnalités politiques de tout bord que son métier, les circonstances, la chance parfois, mais surtout son culot de timide lui ont fait rencontrer.
Pourtant, là aussi l’on reste un peu sur sa faim d’en apprendre davantage sur les personnalités côtoyées qu’elle esquisse rapidement. Tels François Hollande ou Emmanuel Macron qu’elle se reproche, comme elle le fait souvent au fil des pages, d’avoir ou méjugé ou critiqué trop subjectivement.
Reste un livre « de plage » qui retrace sans grand approfondissement le journal d’une France qui a pris sens pour elle à partir de Pierre Mendès France et de la décolonisation algérienne, en 1954… OM
Son livre, Passé composé, Grasset, 2021
François Hollande, ou l’histoire d’un grand malentendu avec son pays. Cet homme, doué, talentueux, qui a su, dans les moments difficiles, atteindre à la grandeur, aura déçu dans son quotidien de président. Je ne l’ai interviewé qu’une fois alors qu’il était premier secrétaire du PS, et n’en ai pas gardé de grand souvenir. Il ne s’aimait guère, DSK et lui, concurrents en 2010-1011, et sans doute pour cela, à l’époque, j’ai longtemps eu une image un peu déformée de sa personnalité.
En campagne, je l’ai trouvé très bon, et j’étais ravie de le voir déboulonner Sarkozy. Sur sa présidence, j’ai, comme beaucoup de gens de gauche, car à vouloir trop se distinguer de son prédécesseur, il s’est banalisé et rendu « gris » à l’excès. Pourtant, le mariage pour tous, sa gestion des attentats, l’intervention au Mali ont été des actes forts qui auraient mérité plus de reconnaissance de la part de ses concitoyens. J’ai été sévère avec lui dans un précédent livre1 – notamment pour ses confessions aux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme2 –, mais je m’en suis voulu d’avoir donné l’impression de hurler avec les loups. On lui rendra justice plus tard. D’autant qu’on redécouvre des vertus à la gauche keynesienne alors que la covid a bouleversé la France, et que Macron qui devait symboliser le renouveau, prolonge en fait les vertus et travers de l’ancien monde qu’il a tant méprisé.
Alors, Macron, évoquons-le quelques instants, puisque nous y sommes. Je l’ai fait dans ma chronique d’une France blessée, je ne l’ai pas revu depuis. Je sais qu’il n’a pas aimé ce livre, qu’il est rancunier, et considère que je représente une vieille gauche dépassée. Il a fort mal pris – et je le comprends – des propos ironiques que j’avais tenus sur les Stilettos de sa femme. Je le regrette, ils étaient faciles et de mauvais goût, et pour avoir moi-même subi des remarques blessantes, j’aurais pu épargner celles-là à cette femme courageuse.
Il reste que ce président, s’il a eu mes suffrages, n’a pas conservé mon soutien. Comparé aux « illibéraux » qui font florès dans le monde depuis quelques années, on peut bien sûr se féliciter de l’avoir aux commandes, et s’il se trouve de nouveau opposé à Marine Le Pen, je voterai encore pour lui. Mais sa façon politicienne de troquer l’électorat de gauche contre celui de la droite qu’il veut recueillir en 2022, est une tromperie.
1 Chronique d’une France blessée, Grasset, 2017
2 Un président ne devrait pas dire ça… Stock, 2016