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Anne Deysine est juriste et professeure émérite à l’université Paris-Nanterre.
La capacité à innover vient – entre autres – de la formation proposée par notre pays. Qui elle-même dépend de l’efficacité de la lutte contre les inégalités d’accès à l’apprentissage et certaines écoles. Une société véritablement méritocratique participe donc à plus d’innovation. Puisqu’elle propulse, grâce au travail et au mérité donc, des profils divers – en termes d’origines sociale et géographique notamment – à des postes de décision. Ce qui dope forcément l’innovation.
D’ailleurs, le pilier de la formation revient dans la première proposition du Cercle des économistes – via la rencontre qui s’est déroulée à Aix début juillet. « Lutter contre le déficit de formation et de qualifications en France à travers deux mesures principales. Donner la priorité au financement de l’éducation dès la petite enfance où se déterminent les inégalités. Intégrer massivement les entreprises dans le processus de développement des qualifications tout au long de la vie et de requalification du 1,5 million de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation », tranchent les 350 intervenant·es issu·es des mondes académique, économique et social. GW
« L’école, la prise de risque et l’innovation »
Sur le caractère essentiel de la formation :
« Le rôle central de la formation (proposition 1 du Cercle des économistes) est reconnu aussi par le président des États-Unis qui a fait de l’éducation de la petite enfance l’une de ses priorités. Car c’est à ce stade que se déterminent et se renforcent les inégalités. Or, c’est l’inclusion et la diversité des publics rendue possible par la réduction des inégalités d’accès qui permet ensuite que des regards différents, donc plus riches, soient portés sur les questions auxquelles nous sommes confrontées et que des réponses moins standardisées leur soient apportées.
D’autres éléments qui touchent à la formation sont omniprésents. Ainsi, la nécessité de renforcer l’attrait pour et l’attractivité des sciences et des métiers scientifiques. Ceci passe par l’exposition des enfants aux diverses disciplines scientifiques et à la démarche scientifique dès le primaire, ce qui nécessiterait sans doute que davantage de professeur·es des écoles soient issu·es de formations scientifiques alors que le gros des effectifs actuels provient des filières de sciences humaines.
Mais il y a aussi un problème d’image et de statut des sciences, qui ne font rêver que peu de jeunes. Merci à Thomas Pesquet ! C’est en partie parce que notre classe politique et la quasi-totalité de nos élu·es (si l’on fait exception du mathématicien Cédric Villani) sont en grande majorité issus de sciences politiques et de l’École nationale d’administration, des filières qui sont censées être les plus prestigieuses. Sans parler de bon nombre de ministres ou de député·es qui, loin de regretter leur ignorance dans les domaines scientifiques, se vantent de leurs lacunes.
De même, lorsque l’on se demande pourquoi le système éducatif français comparé à celui de pays anglo-saxons ou nordiques, incite si peu à l’innovation, le poids de l’échec à l’école et plus tard apporte des éléments de réponse. Alors qu’en France l’échec est stigmatisant et peut poursuivre l’intéressé·e pendant de longues années durant ses études ou sa vie professionnelle, ce n’est pas le cas aux États-Unis par exemple, où il est considéré comme normal d’échouer parfois et de réussir d’autres fois ; c’est de surcroît l’occasion d’apprendre de ses erreurs et de progresser.
Il est donc temps d’avoir une vision moins punitive des apprentissages et de clamer que l’échec n’est pas un vilain mot, mais une péripétie normale de la vie. Tant que l’échec sera autant redouté, le principe de précaution sera préféré au détriment de la prise de risque et de l’innovation ».
Retrouvez l’intégralité de la tribune publiée sur Ouest France ici.