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La crise a chamboulé quelques principes chers à la Commission européenne.
L’exceptionnel est-il en train de durer ? Mercredi 2 juin, la Commission européenne a annoncé prolonger en 2022 la suspension des règles budgétaires imposées aux États membres. Bien qu’habituellement très mal à l’aise avec la hausse des déficits des États, la Commission pense avant tout à la relance pour en finir avec cet épisode Sars-CoV-2. Voilà maintenant depuis mars 2020 que le Pacte de stabilité vole en éclat…
En temps de crise, tout semble permis. Même la sacro-sainte règle qui exige des États la maîtrise de leur déficit public. Pour rappel, le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) a été instauré au Conseil européen d’Amsterdam en 1997. Et prévoit un encadrement du déficit public à hauteur de 3 % du PIB maximum. Sauf circonstances exceptionnelles, dont la crise covid fait partie.
Un « mal » nécessaire
Les États membres pourront avoir la main lourde encore quelques mois. Au moins pour l’exercice 2022. Car la maîtrise de ses comptes, à l’ère Sars-CoV-2, n’a pas vraiment de sens. La France par exemple devrait atteindre un degré de dette publique équivalent à 117 % du PIB en fin d’année. Sans oublier un déficit public équivalent à 9,4 % du PIB. Soit bien loin du seuil de 3 %. Le fameux « quoi qu’il en coûte » du Président de la République a un prix.
Mais il demeure en cette période soutenu par la Commission européenne : « Cette année et l’année prochaine, nous encourageons les États membres à maintenir des politiques budgétaires favorables à la croissance, en préservant l’investissement public et en tirant le meilleur parti des financements du plan de relance européen », a expliqué Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne. En outre, le plan de relance – historique – approuvé en juillet 2020 par les Vingt-Sept constituerait le principal levier d’une sortie de crise pour l’Union européenne. Ainsi, en juin, l’UE entamera une émission de dette commune afin de financer 672 milliards d’euros de subventions et prêts aux États. Un processus qui s’inscrit dans le cadre du plan global de 750 milliards d’euros.
Le pari de la croissance
Une manière de mieux faire passer la pilule. Bruxelles croit à des jours meilleurs. En 2021 par exemple, la Commission mise sur une croissance de 4,3 % pour les 19 pays qui partagent l’euro. Puis 4,4 % en 2022. Le retour à la réalité s’opèrerait l’année d’après : « Nous prolongeons la clause de sauvegarde générale en 2022, en vue de la désactiver en 2023 », a prévenu Valdis Dombrovskis. En parallèle, le ratio de dette publique des pays de la zone euro a pour la première fois dépassé les 100 % du PIB.
La crise a peut-être permis l’accélération d’un changement de paradigme. Les Européen·nes pensent-ils·elles – en temps normal – trop déficit et dette plutôt que croissance ? Dans un entretien pour le journal Le Monde, le Commissaire à l’économie Paolo Gentiloni se félicite de cette nouvelle façon de procéder : « Pour la première fois de notre histoire, les politiques budgétaire et monétaire européennes sont coordonnées. Il faut continuer à tout prix. L’acquis de cette pandémie, ce n’est pas seulement la solidarité entre Européens, mise en œuvre à travers le plan de relance de 750 milliards d’euros. C’est aussi le fait que la croissance est au cœur de notre politique économique. Le niveau de la dette n’en est pas le mot-clé ».
Bref, cette crise interroge sans cesse la pertinence du Pacte de stabilité tel qu’il existe. En janvier, le Commissaire au marché intérieur Thierry Breton estimait que le seuil d’endettement public fixé à 60 % du PIB n’avait plus de « sens et qu’il faudrait des années, voire des décennies pour pouvoir de nouveau respecter ces critères ». Alors, la crise aura-t-elle la peau du Pacte de stabilité ?
GW