Défaillances d’entreprise : le chaos – tant promis – n’a pas eu lieu, mais… !

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Le nombre de défaillances aurait reculé de 25 % sur un an, estime la Banque de France.

Bien sûr que l’arsenal de mesures de soutien mis en place par le gouvernement a joué un grand rôle pour maintenir à flot les entreprises françaises. Mais pourquoi ne pas s’en féliciter ? Après tout, l’objectif a été atteint : on n’a pas vu nos ETI, TPE et PME tomber les unes après les autres. Le tsunami économique – pour le moment – n’est pas si brutal qu’on n’a cessé de le répéter. L’étude de la Banque de France sur les défaillances d’entreprise le démontre. Quelques chiffres.

Le niveau reste historiquement bas. Selon une étude menée par la Banque de France, publiée mercredi 13 octobre, le nombre de défaillances d’entreprise dépasse légèrement les 27 000. Soit un repli de 25 % par rapport à la même période un an plus tôt. Ce recul concerne toutes les catégories d’entreprises et la plupart des secteurs d’activité. Y compris ceux durement frappés par la crise sanitaire : baisse de 44 % des défaillances sur un an dans l’hébergement, 28 % pour le commerce. Bien loin sans doute des idées reçues. Si on va plus loin et que l’on compare à fin septembre 2019 – période complètement dissociée de la crise sanitaire – la chute des défaillances d’entreprise en septembre 2021 atteint même 48 % !

Grâce au « quoi qu’il en coûte »
À quoi attribuer ce recul du nombre de défaillances ? « En premier lieu, par l’impact momentané qu’ont eu les évolutions règlementaires qui ont modifié temporairement les dates de caractérisation et de déclaration de l’état de cessation de paiements », lit-on dans l’étude de la Banque de France. Bref, l’adaptation à la règlementation – avec ces délais supplémentaires accordés pour non seulement déclarer mais aussi apprécier l’état de cessation de paiements – a sauvé des entreprises tricolores.

Surtout, ce « paradoxe » entre la crise sanitaire et économique et le faible nombre de défaillances résulte d’un « ensemble de mesures de soutien qui apportent des aides de trésorerie ou ont permis aux entreprises de réduire ou retarder le paiement de certaines charges, et donc le risque de faire défaut sur ces paiements », détaille le communiqué de la Banque de France. La liste est longue : dispositif d’activité partielle, prêts garantis par l’État (PGE) avec remboursements différés, Fonds de solidarité, moratoires etc.

La puissance des PGE, idée pour l’avenir ?
La bouée de sauvetage estampillée « PGE » a brassé un grand nombre d’entreprises. Depuis mars 2020, environ 700 000 sociétés ont pu en bénéficier. Ce qui correspond à un montant global de 125 milliards d’euros – hors grands groupes. À titre de comparaison, cette somme accordée aux entreprises dépasse l’équivalent d’une année de crédit en 2019, en temps normal donc.

Pour certaines entreprises, ces prêts garantis ont servi à panser les plaies. Pour d’autres, ils ont carrément permis d’investir et d’innover. Au point que le dispositif pourrait jouer, en partie, le rôle de moteur de la relance économique. Le 11 octobre, Bercy revoyait ses prévisions de croissance pour le pays : 6,25 % plutôt que 6 % pour 2021. Le « quoi qu’il en coûte » a non seulement sauvé les meubles, mais il pourrait se révéler le principal artisan des relances économiques dans le futur. L’heure est à l’optimisme, une vertu qu’on a tendance à revendiquer chez ÉcoRéseau Business. Cette fois, la Banque de France suit nos pas : « Certaines mesures [de soutien] sont prolongées dans le plan de sortie de crise. Il n’y aura donc pas de vague de faillites à venir. »

La façon pessimiste de présenter les choses…

Pour le site Économie Matin qui dément l’affirmation de la Banque de France, c’est carrément la catastrophe à venir… Sous le titre Défaillances d’entreprises : l’accalmie avant la tempête ? le signataire Anton Kunin, traducteur, journaliste, relaie les analyses du cabinet Altares, lequel, pourtant, selon Les Échos du 21 septembre, prédisait que « encore en recul de 21 % au troisième trimestre, le nombre de défaillances d’entreprises devrait tomber autour de 28 000 cette année. Soit le niveau le plus bas enregistré depuis… 1986 ».

Le site politiquement conservateur ne retient que des prédictions alarmantes : « PME : le nombre de redressements judiciaires en hausse de 30 %. » « Mais, à en croire les économistes d’Altares, cite le signataire, le pire est encore à venir. Des signaux de fragilisation émergent déjà pour les PME de 10 à 19 salariés, qui étaient encore épargnées au deuxième trimestre 2021 : une augmentation de 30 % des redressements judiciaires est en effet observée sur ces dernières. Certains secteurs présentent aussi des fragilités : c’est le cas par exemple de l’industrie manufacturière et du transport routier de fret. Pour les très petites entreprises, le taux de liquidation atteint les 75 %. Autre chiffre inquiétant : le taux de jugements de procédures de sauvegarde est très faible (3 % seulement). Au cours du troisième trimestre 2021, 159 procédures de sauvegarde ont ainsi été ouvertes, contre 1 292 entreprises placées en redressement judiciaire et 3 860 liquidations judiciaires directes. Le taux de liquidations directes reste d’ailleurs très élevé chez les très petites entreprises (TPE), à 75 %, confirmant la grande fragilité dans laquelle ces entreprises se présentent, tardivement, devant le tribunal. Les TPE concentrent d’ailleurs plus de neuf procédures sur dix (93 %). Les PME de 10 à 19 salariés, encore épargnées au deuxième trimestre 2021, présentent désormais, elles aussi, des signes d’alerte. Elles enregistrent une augmentation de 2,9 % du nombre de procédures collectives. Le nombre de redressements judicaires est, quant à lui, en hausse de 30 %. À noter que la moitié des PME concernées a plus de 10 ans et un tiers se concentre dans le bâtiment (gros œuvre et second œuvre). »

Clairement, pour ce site, « le chaos tant promis aura bien lieu » ! Le même cabinet Altares promettrait-il le tout et son contraire selon la date retenue ?

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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