Après un an de crise, quelles perspectives pour les espaces de coworking ?

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Une analyse signée Divya Leducq, maître de conférences en aménagement et urbanisme à l’université de Tours, et publiée par The Conversation.

Le coworking, en plein essor avant le début de la crise sanitaire de la covid-19, a connu un ralentissement lié aux confinements, aux couvre-feux et aux règles de distanciation sociale dans plusieurs pays d’Europe et du monde. La France, qui comptait plus de 1 200 espaces de coworking (ECW) en 2019, soit l’un des pays les plus dotés sur la planète, a été particulièrement affectée, comme nous l’avons constaté dans nos recherches récentes.

Pour ce travail, nous nous sommes appuyé·es conjointement sur les connaissances acquises depuis 2017 sur ces nouveaux espaces de travail grâce au programme COWORK-CVL financé par la région Centre-Val de Loire, et sur une revue de presse française, compilation de près de 250 articles, avec comme entrée clé celle du coworking sur l’année écoulée depuis le premier jour du premier confinement.

Premièrement, la confiance des gestionnaires d’ECW a été mise à mal par des mesures comme l’obligation de fermeture des lieux qui accueillent du public ou le classement en secteur d’activités non essentielles.

De nombreux ECW fragilisés ont connu une baisse de leur fréquentation – jusqu’à 90 % – liée à la résiliation des abonnements de coworkers ou en raison de mesures sanitaires compliquées à mettre en œuvre ou à faire respecter, notamment dans les ECW de petite taille. En parallèle, les ECW de plusieurs centaines de places ont vu leur rentabilité diminuer en raison des mesures de distanciation sociale sacrifiant des places « assis ».

Plus généralement, ce sont 20 % des tiers lieux qui seraient actuellement menacés de fermeture définitive, à l’instar d’ECW qui étaient pourtant pionniers, comme Épicentre Factory à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). D’autres, comme Plateau Fertile à Roubaix (Nord) ou La Ruche à Montpellier et Castelnau-le-Lez (Hérault), sont devenus des ECW fragiles.

Pour l’avenir proche, les très grandes entreprises de coworking comme MamaWorks s’interrogent sur leurs sources pérennes de revenus, notamment celles issues des baux de longue durée (3, 6 ou 9 ans), signés d’ordinaire par les entreprises hébergées, elles-mêmes soumises à l’incertitude du marché et au manque de visibilité.

Vases communicants
Cependant, dans le même temps, d’autres espaces qui ont pu rester ouverts ou qui ont mis en place les protocoles sanitaires dès le printemps 2020 ont connu une hausse de leur fréquentation. C’est le cas du Pays de Châteaugiron (Ille-et-Vilaine) communauté qui a mis gratuitement son ECW à disposition des télétravailleur·ses. Brenne Box à Mézières-en-Brenne (Indre) a également connu un grand succès pendant les périodes les plus importantes de la crise.

Ces deux ECW sont d’initiative publique et associés à d’autres formes de services communautaires initiés par les collectivités territoriales (accès à la fibre/4G, véhicules autonomes, Maisons de services au public, Pôle emploi, etc.). Certains ECW sortent ainsi gagnants de la crise avec une fréquentation augmentée de 25 points par rapport à l’avant-covid d’après l’enquête 2021 COWORK-CVL.

Au-delà de ces exemples, on observe dans l’ensemble des régions françaises une fluctuation de la fréquentation sur le second confinement avec notamment des variations liées aux catégories d’utilisateur·rices des ECW. Par exemple à Trouville-sur-Mer (Calvados), les télétravailleur·ses étaient moins nombreux·ses puisque retenu·es en Île-de-France, et les indépendant·es avaient moins de trésorerie pour payer l’abonnement.

Quel coworking demain ?
Aux rentrées de septembre 2020 comme de janvier 2021, les ECW d’International Working Group (ex-Régus) ont connu une augmentation de 30 % de leur clientèle, du jamais vu dans l’histoire de la marque. En plus du changement de nature des coworkers, on constate un phénomène de vases communicants entre les ECW d’une même agglomération. Disparition de l’un peut signifier regain d’activité, voire prospérité, de l’autre.

Le secteur des ECW, bien que touché durement par la crise, semble donc pouvoir se relever. La crise sanitaire a révélé les avantages de l’autonomie et de la gestion du temps du télétravail généralisé, mais aussi ses limites matérielles et psychiques : l’exiguïté et la mauvaise fonction des logements, l’absence de droit à la déconnexion, la perte de lien social, la phobie de l’informatique, une vie conjugale et parentale complexifiée, etc.

Dès lors, les ECW sont apparus comme un tiers espace, un entre-deux idéal pour travailler, y compris en dehors des confinements. Le contexte nous invite donc à explorer les réponses qu’apportent les ECW aux travailleur·ses à distance. Le nombre de jours de télétravail souhaité ou souhaitable varie selon les professions, l’âge, les responsabilités, mais semble également grandement dépendant de l’offre d’ECW à proximité des lieux de résidence des employé·es.

L’ECW apparaît donc comme l’occasion de rétablir un lien relationnel et de renouer avec la motivation et la productivité. En outre, pour satisfaire des cadres plus exigeants, les gestionnaires auront besoin de penser des espaces privatifs personnalisables pour des conversations ou des repas d’affaires confidentiels.

Des solutions pour les salarié·es reconnu·es travailleur·se handicapé·e devront aussi être proposées. Alors que le principe d’unicité du lieu de travail touche à sa fin, les entreprises clientes exigeront aussi des normes de qualité pour leurs télétravailleur·ses détaché·es tantôt en ECW, tantôt rapatrié·es au siège, afin de les fidéliser à l’ère post-coronavirus. La présence d’une crèche, d’une conciergerie ou d’activités de loisirs à proximité constituera donc un atout.

Ainsi, l’on devrait assister à une démultiplication des énergies collectives en faveur d’ECW offreurs de packages de services spécifiques qui incluent des mutuelles, des assurances, qui recréent des lieux partagés – parfois éphémères – et des systèmes de solidarités afin de résister à la « tentation d’une ville sans contact », décrite récemment par l’architecte Éric de Thoisy.

Pour survivre, les ECW auront donc, eux aussi, besoin de s’inscrire dans une hybridité croissante entre le modèle commercial et le modèle du bien commun. L’offre d’ECW pourra ainsi se développer en complément– et non en remplacement – d’une offre d’immobilier de bureau plus classique.

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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