Temps de lecture estimé : 3 minutes
Temps de lecture constaté 2’30
L’absentéisme au travail, quelles sont les causes ?

« La mission d’une entreprise, c’est de faire du business. Encore faut-il qu’elle comprenne que ses performances seront meilleures dès lors qu’elle accordera une place plus grande à l’humain. » Aurélien Herquel, le fondateur de Hu-Man – un label qui place l’humain au cœur de l’entreprise – en est convaincu, la RSE passe aussi par « le capital humain, pas uniquement l’écologie ». Car oui, encore aujourd’hui, des salarié·es vont travailler la boule au ventre. Encore aujourd’hui – et plus qu’hier – les travailleur·ses français·es se consument de l’intérieur*. Naît alors un fort absentéisme au travail.
L’absentéisme, en France, a bondi en 2020 par rapport à 2019. Pour passer de 4,18 % à plus de 5 %, soit une hausse de 20 % selon les chiffres dévoilés par le cabinet Gras Savoye Willis Tower Watson. C’est simple, plus d’un tiers des employé·es a été arrêté l’an passé. Oui le séisme Sars-CoV-2 est passé par là. Mais il a accentué, encore un peu plus, un phénomène bien présent depuis de longues années : « Certes l’effet covid existe, mais le malaise remonte bien avant, déjà en 2007-2008 avec la crise des subprimes, les entreprises françaises ont tenté de se numériser, elles l’ont mal fait, on n’a pas cette culture de réactivité aussi puissante que la Chine ou les États-Unis », explique Aurélien Herquel. Problème, l’absentéisme coûte cher, environ 108 milliards d’euros selon l’Institut Sapiens en 2018. D’où l’urgence de panser les plaies.
Des causes multiples
« Hélas, pour les entreprises, la RSE rime presque exclusivement avec écologie, au point d’oublier le capital humain », regrette Herquel, réticent à tout un vocabulaire parfois superficiel, qui s’est fortement développé ces dernières années, à coups « d’entreprises à mission ou écoresponsables ». Pragmatique et sans doute lecteur de Milton Friedman, le fondateur de Hu-Man rappelle la mission fondamentale d’une entreprise : faire du business ! Ce qui ne signifie pas qu’elle doit écarter l’humain… car c’est bien lui le principal moteur de bonnes performances en entreprise. « Il y a encore des années, des gens allaient travailler pour leur boîte, les gens se présentaient volontiers travaillant pour telle ou telle entreprise, le sentiment d’appartenance était très fort, c’est moins le cas aujourd’hui », remarque Aurélien Herquel. C’est pour renouer avec l’humain au travail que notre entrepreneur a créé Hu-Man en 2016. C’est aussi en réaction au décès d’un de ses amis au travail, « oui, les gens souffrent au travail, et parfois peuvent en mourir ». Il faut bien comprendre que le travail est une source d’épanouissement parmi d’autres. Mais quand vous travaillez entre 9 h et 19 h, voire plus, tous les jours ou presque, il peut en devenir la condition sine qua non de votre bonheur. Alors si vous n’aimez pas ce que vous faîtes… ou si votre travail « n’a plus de sens pour vous », forcément vous souffrez.
Gare à ne pas tout importer des Américain·es, et notamment ce qui ne fonctionne pas comme l’open space ou le full télétravail
Parmi les causes : un management inadapté, « être expert dans un domaine ne fera pas forcément de vous un bon manager, défend Aurélien Herquel, de la pédagogie pour tirer vos équipes vers le haut s’avère tout autant – si ce n’est plus – indispensable». Surtout, essentiel d’être à l’écoute de ses collaborateur·rices, on « manage des humains avant tout, pas simplement des chiffres », peste le patron de Hu-Man ! D’autant plus délicat pour les managers d’encadrer leurs équipes que le télétravail s’est généralisé, « gare à ne pas tout importer des Américain·es, et notamment ce qui ne fonctionne pas comme l’open space ou le full télétravail, sourit Herquel, le travail à distance peut cependant marcher s’il est partiel, deux jours par semaine notamment, pour garder une culture d’entreprise ».
Mais plus globalement, c’est avant tout la reconnaissance au travail qui prime. Et qui fera – en grande partie – qu’un·e salarié·e se sentira bien dans son entreprise. Bien sûr que cette reconnaissance passe par la rémunération. Mais pas seulement, c’est aussi au quotidien « une valorisation, un respect, une dignité » à l’égard des collaborateur·rices, « les sorties organisées entre collègues » ne suffisent pas. Trop d’entreprises délaissent certains problèmes internes à des coachs … ce n’est que temporaire, « de la cosmétique, les problèmes reviendront s’il n’y a pas une réelle volonté de l’entreprise à changer les choses », estime Aurélien Herquel.
Talent retention, une des solutions
« Analyser et comprendre votre absentéisme, pourquoi est-ce que des gens de votre entreprise ne viennent pas au travail ? propose Aurélien Herquel, votre taux de rotation constitue le réacteur de l’entreprise. » Bref, réduire l’absentéisme se révèle vital pour la compétitivité des entreprises.
Il ne doit pas y avoir de décalage entre les valeurs portées par une entreprise à l’extérieur et ce qui est réellement pratiqué en interne
Dès la phase de recrutement donc, l’entreprise se doit de trouver les bonnes personnes, soit les collaborateur·rices dont les valeurs s’accordent avec ce que prône la structure elle-même. Alors bien entendu, « il ne doit pas y avoir de décalage entre les valeurs portées par une entreprise à l’extérieur et ce qui est réellement pratiqué en interne », ajoute Aurélien Herquel. Sinon les salarié·es ne s’y retrouvent plus. Les entreprises doivent laisser une chance à tous types de candidat·es, le poids du diplôme demeure considérable en France, « trop sans doute », juge Herquel, lui-même autodidacte. « Je vois des managers qui commencent à poster sur les réseaux sociaux pour témoigner des bienfaits de recruter des gens sans diplôme mais motivés, ce n’est pas trop tôt, même s’il a fallu qu’Elon Musk en fasse l’éloge pour que les mentalités commencent à évoluer », conclut le défenseur du talent retention.
Geoffrey Wetzel
*en référence au burn out, notre « en couverture » du numéro 85 d’ÉcoRéseau Business