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Qui ? Ekoo
Quoi ? Un outil de recrutement humain, sans CV et sans intelligence artificielle.
Une petite révolution dans le monde des ressources humaines. Ekoo recrute sans CV mais pas sans sérieux. Sa fondatrice, Julie Charles, souhaite replacer l’humain au cœur du processus de recrutement en favorisant les rencontres pour « élargir le champ des possibilités ».
Oubliez toutes ces heures à tenter de caser, sur une simple feuille A4, vos expériences, formations, loisirs, compétences, adresse, etc. Oubliez, tout simplement, le curriculum vitae qui n’a jamais eu vocation à représenter l’état d’esprit, la motivation et les compétences réelles d’un être humain. Ekoo a entendu les complaintes de ces salarié·es qui veulent être reconnu·es pour ce qu’ils·elles sont. Celles et ceux qui veulent prouver leur détermination, celle-là même que l’on entend dans le ton d’une voix, la flamme que l’on discerne dans la profondeur d’un regard. C’est en l’être humain que croit Julie Charles, la fondatrice de cet ovni des ressources humaines. Une entrepreneuse engagée qui pose les jalons de ce que sera le travail de demain. Entretien.

Quel est le concept d’Ekoo ?
Ekoo souhaite replacer l’humain au centre de l’entreprise et cela commence par le recrutement. Notre objectif est de s’adapter aux évolutions du marché du travail et aux attentes des demandeur·ses d’emploi, mais aussi de recruter sans se baser uniquement sur les compétences. Avec Ekoo, les entreprises prennent le temps d’ouvrir le champ des possibles, de rencontrer des candidat·es en s’intéressant à leur potentiel, à ce qu’ils·elles souhaitent faire de leur vie professionnelle.
Pourquoi ce nom ?
Le nom Ekoo est issu de l’anglais Every kind of people. Ekoo accueille les personnes dans leur intégralité, au-delà de leur statut.
La création d’Ekoo paraît intimement liée à votre histoire.
La création d’Ekoo est assez liée à mon histoire personnelle. J’ai grandi à la campagne, au fin fond du Lot (46), avec des parents qui n’étaient pas du tout dans le monde de l’entreprise. Mon premier boulot : travailler dans les champs. J’étais loin d’imaginer que j’allais finir, un jour, dans un univers corporate avec des postes à l’international. Ce sont des rencontres qui ont fait que, de fil en aiguille, je me suis lancée dans les études supérieures. Je dois ma carrière inattendue à des rencontres. À toutes ces personnes qui n’ont pas hésité à me faire confiance, celles avec lesquelles j’ai pu faire mes preuves ! Avec Ekoo, c’est à mon tour de faire le lien entre des personnes qui ont du potentiel et des entreprises qui ont plein de belles choses à faire mais qui ne savent pas comment s’y prendre pour recruter différemment.
Vous-même avez évolué dans le milieu des ressources humaines.
J’ai toujours évolué dans des univers RH en France et à l’étranger. Au sein de grands groupes et dans un univers de start-up, dans le conseil et même dans une PME. J’ai observé que les salarié·es accordent de l’importance à leur environnement de travail et qu’ils·elles pouvaient souffrir car pas à la bonne place ! La vision du recrutement d’Ekoo, c’est aussi chercher à comprendre les candidat·es au-delà de ce qu’ils·elles savent faire.
Quand vous êtes-vous lancée ?
L’idée d’Ekoo est née quand j’ai cofondé un incubateur à start-up. J’étais chargée de trouver des associé·es pour des start-up qu’on incubait. Et j’avais bien l’intuition à l’époque que ça n’allait pas se faire sur CV, qu’il fallait avant tout trouver des personnes complémentaires qui puissent travailler ensemble dans les bons comme dans les mauvais moments. C’est à cette époque que j’ai commencé, sans trop de méthode, à tester la rencontre sans CV. Et mon intuition a été confirmée. J’ai lancé Ekoo en janvier 2022. J’avais le concept, le nom, mais il y avait tout à faire.
À qui s’adresse Ekoo ?
Je travaille avec des entreprises à taille humaine pour bien les connaître. Les grandes entreprises, c’est pas pour tout de suite ! Elles ont des services RH, nous proposerons donc davantage de la formation sur le sujet du recrutement.
Ekoo s’intéresse aux postes de cadres en entreprise. Cela ne concerne pas, pour l’instant, des métiers très techniques comme celui d’ingénieur qui nécessite des années d’études et d’expertises. Dans ce cas-là, le recrutement sur CV reste plus pertinent. Les entreprises me sollicitent plutôt pour des postes de commercial, de RH ou de communication. Ce sont des postes où un·e candidat·e peut faire un bon travail dès lors qu’il·elle adhère au projet. Il n’est pas forcément nécessaire d’avoir exercé le métier en question pendant dix ans pour faire du bon travail.
Je suis aussi sollicitée pour des postes de non-cadre. Là, les entreprises sont prêtes à procéder à des formations de salarié·es. Mais ce projet arrivera dans un second temps.

Concrètement, comment doivent procéder des candidat·es intéressé·es par le concept ?
Les candidat·es qui contactent Ekoo savent qu’ils·elles ne souhaitent plus exercer le métier dans lequel ils·elles évoluaient jusqu’à lors. Ils·elles se savent en capacité de faire d’autres choses mais ont du mal à être reçu·es en entretien car leurs CV présentent une dominante sur un certain type de métier. Avec Ekoo, ces candidat·es ont la possibilité de se présenter dans une vidéo de cinq minutes en suivant quelques instructions et conseils. Par souci de réciprocité, nous répondons à cette vidéo par une autre vidéo réalisée par un membre d’Ekoo, de sorte que chaque partie commence sur un même pied d’égalité.
Puis nous planifions un premier rendez-vous. Il s’agit alors d’un entretien guidé par certaines questions, mais aussi d’un moment pour faire le point, pour faire connaissance. Ici, pas de CV, nous partons d’une feuille blanche ! Nous reconstituons le parcours professionnel du·de la candidat·e mais faisons aussi le point sur ce que la personne souhaite faire, ce qui a fonctionné dans son parcours, ce qui lui convient, ses aspirations… Cette méthode permet ainsi de présenter la personne dans sa globalité et de prendre en compte la personnalité des candidat·es. Nous ne nous rencontrons pas dans le cadre d’un poste. En conséquence, en tant que recruteur nous n’avons pas d’a priori et ne pouvons pas faire de raccourcis. Et évidemment, ils n’ont rien à payer !
Et pour les entreprises ?
Côté entreprise j’ai pas mal d’évangélisation à faire… Aujourd’hui, quand on pense recrutement on pense à un besoin. L’entreprise fait appel à un recruteur pour l’aider à trouver la bonne personne. Dans mon approche le recrutement s’effectue en amont. Pour ce faire, l’agence Ekoo doit avoir une grande connaissance des entreprises pour lesquelles elle recrute. Nous devons connaître les directions, les équipes, comprendre le marché, le business, les enjeux, la culture de travail, l’environnement dans lequel les candidat·es doivent se projeter. Avec les entreprises, nous discutons du besoin qu’elles ont identifié et envisageons d’autres options que le recrutement si nécessaire. L’idée est de cesser de procéder dans l’urgence, et de proposer à l’entreprise de faire un état des lieux afin d’anticiper certains recrutements. Enfin, Ekoo présente des candidat·es présélectionné·es aux entreprises, sans CV mais avec un rapport dans lequel nous expliquons pourquoi nous estimons que la personne retenue est pertinente pour le poste proposé.
Avez-vous de bons retours sur votre concept ?
Toutes les personnes que j’interroge adhèrent au concept. Ekoo répond à des problématiques actuelles. Mais les entreprises ne sont pas forcément prêtes à faire ce travail d’état des lieux en amont du recrutement. Et elles ne sont pas forcément prêtes à le payer… Je me pose toujours des questions sur mon offre. C’est très différent de ce qui se pratique depuis très longtemps sur le marché et il y a encore des efforts à faire pour faire changer les mentalités.
À ce stade de l’aventure, j’aimerais rencontrer des chefs d’entreprise ou des RH, qui ont des difficultés de recrutement pour discuter davantage de ce qui pourrait les aider, de leur façon de voir les choses et de la manière dont ils perçoivent cette offre.
Comment envisagez-vous le futur d’Ekoo ?
J’espère ouvrir les chakras ! Que de plus en plus d’entreprises adhèrent à la méthode et commencent à travailler dans l’anticipation. Et évidemment, j’aimerais pouvoir élargir mon offre à de plus en plus de métiers, nous avons plein de pistes !