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Avec 52,1 % des suffrages, Recep Tayyip Erdogan prolonge encore cinq ans au palais présidentiel turc. Il s’est défait de son opposant, l’expérimenté homme de gauche laïque, Kemal Kiliçdaroglu.
Les messages de félicitations pleuvent. Emmanuel Macron, António Guterres, Joe Biden… et Vladimir Poutine ! Tous ont salué la victoire d’Erdogan aux élections présidentielle turques. Pourtant, en Occident sa politique économique fait débat, tout autant que ses frasques répétitives…
Il n’avait jamais autant tremblé. Habitué aux victoires faciles, cette fois-ci Erdogan a dû vraiment batailler pour briguer un nouveau mandat. Avec seulement 52,1 % des voix, il donne l’impression d’une victoire à l’arrachée, mais aussi à la loyale… C’est sans compter sur son exposition médiatique bien supérieure à celle de son adversaire !
Face à lui, Kemal Kiliçdaroglu, militait pour la démocratie en douceur et la laïcité. Son programme progressiste n’aura pas suffi à résister au torrent propagandiste erdogien. Et ce, malgré l’appui des experts financiers du monde entier. Au soir de l’élection, il n’aura finalement récolté que les huées cultivées par Erdogan contre lui.
Le mur se rapproche…
À l’automne dernier, le cours de la livre turque chutait de manière vertigineuse. Dans son sillage, l’inflation turque atteignait 85 % sur un an. En moyenne, les prix des produits alimentaires et de l’énergie avaient grimpé de 138,6 % sur la même période. Un cauchemar que l’on explique par une politique de « croissance à tout prix » menée par le gouvernement Erdogan.
Le président milite pour un maintien des taux directeurs très bas. Une action contre-indiquée par l’ensemble des banques centrales mondiales tant elle revient à jeter de l’huile sur les flammes inflationnistes. « Une victoire d’Erdogan signifie de nouvelles années d’expérimentation de politique monétaire avec un total mépris des conséquences », juge Craig Erlam d’Oanda Corporation.
Et dans son labo économique à ciel ouvert, Erdogan devra bientôt composer avec un dollar américain à 23 livres turques. Cela devrait être le cas d’ici à la fin de l’année selon Wells Fargo. Encore pire, sans l’intervention quotidienne du gouvernement turque qui revend des changes pour soutenir sa monnaie face au dollar, le résultat aurait pu s’avérer encore plus catastrophique. Mais les réserves de la Banque centrale turque tournent à sec maintenant…
Un programme (trop ?) ambitieux
Alors pour calmer les plus réticents à sa réélection, le président turc a assuré qu’il s’entourerait d’une nouvelle équipe économique à la « crédibilité internationale ». Ouf ! Mais Erdogan a aussi promis de doubler le salaire des fonctionnaires, alors difficile de tirer le vrai du faux. Le possible de l’impossible.
L’ensemble de ces promesses « populistes » ont toutefois séduit une partie de l’électorat. Les Turques en difficulté ont préféré croire leur dirigeant fort de vingt années d’expérience que son opposant Kemal Kiliçdaroglu, dont le programme se rapprochait des conventions européennes, mais ne faisait pas rêver. « Le vote économique n’est pas si important que l’affirment les commentateurs », estime Berk Esen, chercheur à l’université Sabanci d’Istanbul, pour expliquer la victoire d’Erdogan.
Alors la place stambouliote s’est ouverte au vert ce lundi 29 mai, au lendemain des résultats. Mais cette dynamique ne devrait malheureusement pas durer. Depuis 2013, la dépréciation d’actions et d’obligations turques serait d’environ 85 % selon Bloomberg. Cette journée en hausse s’explique par un retour à la stabilité, plus qu’au résultat en lui-même. Cette même place plongeait d’ailleurs dans le rouge, au sortir du premier tour, quand Erdogan trônait en tête des scrutins…