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Les intentions de vote pour cette baudruche reflètent sans doute les peurs d’une société agressée. Passons vite, il y a du boulot…

Le phénomène « Zemmur » ne se contourne pas. Qu’on le nomme « il », le « non-candidat », EZ ou Zemmur pour se la jouer clin d’œil en évoquant le mur qu’il devrait se prendre, il a envahi médias, plateaux, conversations et sondages. Et tant pis si les uns le créditent de 13 % d’intentions de vote ou 17 et plus : les instituts de sondage essaient à tout prix de donner le chiffre le plus haut pour conforter leur ratio de citation.
Amha, Zemmour est un anti-Coluche (ou un nanti-coqueluche) en tout point opposé à la manière de ce météore de l’humour et de l’amour, comme je l’ai déjà exprimé. Il devrait, comme le clown disparu, s’éliminer d’ici à quelques mois car, comme Coluche, il sait qu’il n’a aucune des qualités ou des défauts requis pour incarner un président de la République à la française.
N’en déplaise à son déjà biographe, Geoffroy Lejeune, directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, qui se prend pour un devin en publiant Zemmour président, après en avoir fait la une de son magazine. Quoi que l’on puisse partager des obsessions racistes et sexistes du chroniqueur de plateau, elles ne suffisent pas à garantir à ce pays qui se relève d’une crise majeure une gouvernance éclairée, pondérée, économiquement maîtrisée, écologiquement audacieuse. Zemmour président ne s’imagine pas, qu’on le voie présider aux destinées de l’Europe en 2022 dans la caricature d’un Orban ou même un simple conseil des ministres où il serait question d’autre chose que du « grand remplacement » ou de la reconduite des immigrés illégaux aux frontières. Sur le plan des grandes options économiques, il a pour conseiller Loïk Le Floch-Prigent, condamné à de la prison à plusieurs reprises ! Zemmour est monophasé. Inapte à tout poste autre que débatteur et polémiste, et encore, confiné dans une seule thématique qui tire l’humain vers le bas à force de vouloir restaurer un prototype de Français·e dit caucasien.
Alors pourquoi tant de popularité ?
Sans doute parce qu’il incarne des réflexes de clan que nous portons en nous, mais réprimés par l’éducation, l’héritage de la Révolution, Mai-68 ou simplement le bon sens : aucun peuple bâti par son histoire de chocs, de guerres et de victoires n’accepte longtemps que des étrangers entendent vivre sur son sol sans s’intégrer, s’assimiler, adopter des mœurs elles-mêmes fruits d’influences passées. Il doit exister un dénominateur commun, fût-il évolutif et fluctuant, mais partagé par une communauté assez large qui se désigne par « nous ».
François Bégaudeau, qui publie Notre joie chez Pauvert, réduit cette peur à celle de « la vieille bourgeoisie coloniale ». Je partage son sentiment que le météore Zemmour ne sera jamais, s’il est candidat, porté à la présidence. Nous verrons au-delà des sondages si ce commentateur de commentaires qu’est Zemmour se heurtera enfin au réel.
Zemmour surfe sur cette impression de danger sous l’aiguillon du terrorisme. Ses scores ne sont que l’expression d’une peur latente née au sein d’une frange d’un peuple que la pandémie a laissé abasourdi, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale attaqué par un ennemi insaisissable et potentiellement létal. Un virus biologique qui a instillé un autre virus, celui de la crainte de l’autre. Autre étranger ou autre contaminé.
Ce qui devient préoccupant n’est pas tant la réalité de statistiques morbides que l’impression que la haine, la xénophobie ou la misogynie ont droit de cité, le droit de s’exprimer, de s’imprimer, de s’incarner dans une parole d’autant plus virulente qu’elle fut longtemps politiquement et socialement incorrecte.
Zemmour n’est que l’incarnation d’une dérive, l’expression apparemment brillante de tous les mauvais instincts que nous réprimions et que nous osons exprimer parce qu’un causeur de salon trouve des micros complaisants pour lui forger une semblance de légitimité. Il justifie des pensées basses que nous taisions. Alors nous nous défoulons par des intentions de vote qui ne trouveront sans doute pas de bulletins car Zemmour se sait baudruche.
En 1981, Coluche se disait d’emblée baudruche. Mais lui incarnait notre désir de liberté, d’égalité, de fraternité.
Il est temps que la page « Zemmur » se tourne. Les « forces vives de la nation », les entreprises et les innovations, la volonté de rétablir un avenir pour la planète devront balayer ces miasmes post-pandémiques. On a du boulot.
PS : en plein Big, la grande convention annuelle de Bpifrance organisée à l’Accor Arena de Paris, les 8 minutes réservées au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, n’auront déçu personne ! En se fendant d’un vibrant hommage à tous·tes les entrepreneur·ses de France qui ont franchi la crise avec succès, le grand argentier est monté dans les superlatifs, en promettant de garder bourse ouverte à coups de taux attractifs, de fonds propres et participatifs, de 100 % de chômage partiel aux entreprises qui en ont encore besoin. « Profitez de l’argent de l’État », a osé lancer un Le Maire qui s’est étonné le premier qu’un ministre s’exprime ainsi ! Le message n’a pas oublié de préciser que cette « largesse » s’accompagnait de l’exigence d’une « industrie décarbonée, respectueuse de l’environnement, compétitive », ce qui ne peut que combler les éditeurs du nouveau magazine b to b GreenID que nous sommes, pour la première fois distribué sous forme de numéro 0 au salon Pollutec de Lyon des 12 au 15 octobre. Bientôt sous vos yeux.