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Mais pourquoi les élus mettent-ils si peu d’empressement à corriger nos pénuries ?
Le coup de la délocalisation industrielle au nom de la mondialisation ne fonctionne décidément pas côté médicaments : l’Europe, la France et la plupart des 27, plus le Royaume-Uni, sont désormais les floués de la santé dès lors qu’un besoin majeur engendré par une pandémie surgit. Les tenants d’un marché mondial où chacun irait acheter selon ses besoins en s’économisant au passage le coût de la recherche, l’aléa du rendement et la gestion des stocks pourraient passer aujourd’hui pour de dangereux criminels. Cette vision économique des choses pour la sécurité sanitaire constitue une grave impasse : la Chine, l’Asie, censées nous fournir sur simple commande ce que nous ne produisons plus en France, n’ont pu faire face aux demandes d’une planète malade. Les États-Unis seuls semblent avoir répondu au défi généré par la covid. Ils en font payer le prix à l’Europe larguée. Au prix de livraisons encore insuffisantes et retardées.
Hier, voilà l’Institut Pasteur – le creuset, l’image, le symbole vaccinal mondial par excellence à travers ce nom prestigieux – qui annonce renoncer à poursuivre la mise au point de son vaccin contre le coronavirus. Motif : pas assez efficace. Un aveu consternant, mais pas surprenant. L’institut avait tenté de bricoler son vaccin contre la rougeole en s’alliant avec le groupe américain Merck. Peine perdue : « Les réponses immunitaires induites se sont avérées inférieures à celles observées chez les personnes guéries d’une infection naturelle ainsi qu’à celles observées avec les vaccins autorisés. »
Quelque temps auparavant, c’était le français Sanofi qui avait lui aussi botté en touche en raison de « résultats moins bons qu’attendus ».
Une évidence : la France malade est entièrement dépendante de puissances qui vont donner la priorité à leurs besoins nationaux d’une part, et qui lui font payer en outre le vaccin – que l’on espère efficace – au prix fort, comme aux autres Européens pris au dépourvu.
C’est l’échec de tous les gouvernements européens depuis 30 ans, les français les premiers, qui croyaient que la planète fonctionnait en libre-service. En France, c’est d’Asie que nous importons 80 % des principes actifs des médicaments dont nous avons besoin.
Au printemps 2020, enfin, le gouvernement de la France et la gouvernance européenne annoncent des plans de relocalisation de médicaments et de matériel médical au nom de la « souveraineté sanitaire et industrielle » (les mots d’Emmanuel Macron chez Sanofi le 16 juin 2020). Encore ne faudrait-il pas recréer des « pharmacopées nationales » jalouses de leurs médocs et de leurs vaccins made in protectionnisme. Ce serait la meilleure façon de créer des pénuries que la mondialisation, au moins, a évitées.
Mais la France, qui s’est montrée dépourvue de masques, de respirateurs et de tests diagnostics quand la covid fut venue, doit désormais produire ces matériels de façon à constituer des stocks significatifs. Idem pour les médicaments. Or il semble bien que la leçon n’ait pas porté. Au nom de la répulsion administrative et politique bien française à l’idée de devoir constituer, gérer et payer des stocks de précaution, la cigale retombe dans ses errements : non seulement le Parlement français a limité à deux mois (contre quatre nécessaires) la réserve de médicaments d’« intérêt thérapeutique majeurs », mais les projets de loi déposés par les groupes communiste, républicain, citoyen et écologiste, plus la France insoumise, n’aboutissent pas, dénonce l’UFC-Que Choisir (lecture édifiante de son n° de février 2021, Médicaments, la France hors jeu ?). On deviendrait complotiste pour moins que ça !
Au moment où l’on se met enfin à évoquer l’autre voie thérapeutique, celle du soin apporté aux malades sous forme d’injections d’anticorps, j’entends le confrère journaliste médecin Damien Mascret, voix médicale de France 2, citer les producteurs américains en pointe en la matière : il semble tout ignorer de la biotech de Nantes, Xenothera, productrice d’anticorps encore plus efficaces, qui franchit péniblement toutes les phases d’approbation de son médicament polyclonal. Je la cite depuis près d’un an à la moindre occasion. À l’heure où Pasteur et Sanofi reconnaissent leurs impasses, quand le Président de la République, face à l’évidence, se pique (!) de souveraineté sanitaire, pourquoi ne tient-on pas compte de cette pépite dont le médicament serait susceptible de faire baisser l’occupation des lits de réa ? Est-il si douloureux de reconnaître et soutenir la réussite quand elle est française ?
Olivier Magnan