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journaliste à la rédaction
Pour l’EMA : pas de suspension de vaccins tant que les avantages l’emporteront sur les risques.
« AstraZeneca, le permis de tuer ? », s’interroge mon confrère à la suite de cas graves de thromboses après injection de la formule AZ. L’Agence européenne du médicament (EMA) répond par l’affirmative. Obsédée par une logique de calcul coût-avantage où l’impatience de retrouver notre vie d’avant se fait au péril de quelques-un·es. La fameuse balance bénéfice-risque qui – et il faut le souligner – sauve depuis quelques mois des millions de vies.
L’EMA a rappelé toute la confiance qu’elle portait aux vaccins lors de son ultime avis lié au sort réservé au Janssen en Europe. Car non, l’AstraZeneca – dont le nom, à l’inverse de la substance, a été rebaptisé Vaxzevria – ne détient pas le monopole de la défiance. Outre-atlantique, le vaccin produit par Johnson & Johnson a même été suspendu. Après la découverte de six cas graves de thromboses dont un décès. Le plus souvent des femmes âgées de 18 à 48 ans. Encore une fois, l’Agence européenne du médicament avance que « les avantages l’emportent sur les risques » ! Bien que le régulateur européen n’écarte pas « un lien possible » entre le vaccin du labo américain et les cas de caillots sanguins. Peu importe, quand on ne sait pas, on avance, sans doute le crédo de l’EMA à l’ère Sars-CoV-2. Cette prise de risque, même minime, auprès de patient·es parfois en bonne santé, pose question.
La non-suspension du Janssen a d’ailleurs bien soulagé l’Europe et notamment la France. Aveuglée par une course à la vaccination dans laquelle l’objectif tend à faire mieux que ses voisins. Step by step, notre pays entend toujours vacciner 30 millions de Français·es d’ici à l’été. Il se félicite même d’avoir enregistré une semaine d’avance à la mi-avril. Suspendre le Janssen – qui a l’intérêt de ne nécessiter qu’une seule dose – c’est aussi prendre le risque d’un retard dans la vaccination. « On ne peut pas se permettre de s’en passer », estime-t-on au gouvernement. Donc prêt à en payer le prix en vies humaines.
La population a le droit de s’interroger. D’avoir une réponse sur les causes des décès de ces personnes tout juste vaccinées. Comme cette famille landaise qui porte plainte contre X après le décès d’un homme âgé de 75 ans sans antécédent médical. Il avait reçu douze jours auparavant une dose estampillée Pfizer-BioNTech. Son épouse et ses trois enfants ont déposé plainte pour homicide involontaire le 15 avril. Pas une démarche offensive, juste la volonté de savoir s’il existe oui ou non un lien entre le vaccin et l’arrêt cardiaque respiratoire du défunt.
D’autant plus que le doute se nourrit des contradictions – du moins des ambiguïtés – des hautes autorités. L’EMA en première ligne, qui après avoir donné son feu vert pour le vaccin Janssen, établit le protocole à suivre pour les vacciné·es les plus malheureux·ses. Si le risque, assumé par l’Agence européenne du médicament, intervient, consultez « d’urgence un médecin ». En cas d’essoufflement, de douleurs thoraciques, de gonflement des jambes ou de « taches de sang sous la peau au-delà du site d’injection ». Bref, voilà qui n’a pas de quoi rassurer les citoyen·nes !
Pourtant, le Président de la République tente, tant bien que mal, d’atteindre une adhésion massive à la vaccination. « Nous avons des difficultés pour convaincre sur l’AstraZeneca, il faut réfléchir en termes de communication et de capacité à convaincre », lançait Emmanuel Macron le 20 avril. Quand on en vient à devoir réfléchir comment convaincre une population d’accepter une piqûre censée lui sauver la vie, on comprend à quel point le degré de confiance que porte le peuple au pouvoir en place s’est érodé. Et c’est sans doute l’un des principaux enseignements à tirer de cette crise.
Geoffrey Wetzel