Si je travaille moins, les autres seront-ils plus heureux ?

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Geoffrey Wetzel, journaliste-chef de service

Promettre un avenir meilleur aux futures générations passera nécessairement par une réduction du temps de travail. Plus qu’un mantra de paresseux, travailler moins s’invite comme LA solution à un meilleur épanouissement de soi et de tous.  

« Entre pénibilité du travail, horaires intenables, salaires trop faibles, dépression, burn out, bullshit jobs, perte de sens… depuis quelques années nombreux sont ceux qui questionnent leur rapport au travail. » L’excellente émission de Blast, signée Salomé Saqué et Paloma Moritz dresse une synthèse fouillée et criante de vérité sur la place du travail aujourd’hui en France – et celle qu’il devrait occuper à l’avenir pour le bien de tous.

Repos dominical obligatoire en 1906, journée de huit heures en 1919, deux semaines de congés payés en 1936 et cinq en 1982, réforme des 35 heures en 1998… est-ce vraiment le sens de l’histoire que de travailler toujours plus ? Nous travaillons peut-être de moins en moins – par rapport aux siècles précédents – mais sommes de plus en plus productifs. Et, contrairement aux dires du Président de la République Emmanuel Macron, obstiné à graver dans le marbre sa réforme des retraites à 64 ans pour laisser une trace même minime de son passage dans l’histoire de France, les Français ne travaillent pas forcément moins que leurs voisins européens.

Les chiffres Eurostat, comme le rappelle l’émission de Blast, disent le contraire : en 2018 les Français travaillent en moyenne 37,3 heures par semaine. Davantage que les Italiens, les Suisses… Et, surtout, plus que les Allemands (34,9 heures) ! Comme quoi… Idem pour la productivité, la France fait partie des pays les plus productifs en Europe.

Une chose est vraie : sur une journée de huit heures, les salariés ne sont pas productifs pendant ces mêmes huit heures – tant mieux car cela signifierait qu’ils seraient aussi efficaces qu’un robot. Selon une étude menée au Royaume-Uni, les employés de bureau seraient réellement productifs à peine… trois heures ! Alors cinq heures payées à discuter avec les collègues, multiplier les pauses-café, surfer sur les réseaux sociaux ? Voilà le vrai sujet, « faudrait-il travailler mieux mais moins ? », insiste la journaliste économique Salomé Saqué.

Travailler moins pour mieux partager le travail et les richesses. Vous la voyez venir… la semaine de quatre jours – avec comme modèle dominant 32 heures hebdomadaires. Trois jours de pause donc pour doper son engagement, sa motivation et sa productivité pendant quatre jours. La place du travail a perdu de sa superbe : en 2008 près de 2 Français sur 3 acceptaient de renoncer à leur temps libre pour plus d’argent, en 2022 ils sont deux fois plus nombreux à aspirer à plus de temps libre… peu importe s’ils perdent de l’argent, a estimé une étude de l’Ifop pour la fondation Jean Jaurès.

Travailler quatre jours plutôt que cinq permettrait aussi de réduire le chômage sans s’attaquer à la compétitivité des entreprises. Au contraire, celles-ci repensent leur organisation : « en six mois, 40 % des réunions en interne ont disparu, car la plupart ne servaient à rien », constate Jérémy Clédat à Welcome To The Jungle. Travailler moins vous pousse à mesurer ce qui est urgent de ce qui est accessoire.

Enfin, la réduction du temps de travail irait de pair avec la prise en compte des limites de notre planète. « Travailler plus revient à polluer plus parce que plus on travaille, plus on consomme », explique Paloma Moritz. Paradoxal ? Non, on consomme surtout moins bien… passer plus de temps au bureau revient aussi à utiliser plus souvent la voiture que les transports en commun ou encore multiplier les livraisons à domicile – une autoroute pour la « malbouffe » à coups d’Uber Eats, Deliveroo and co.

Si l’on diminue le temps passé à exercer une activité professionnelle, les salariés en profiteront-ils pour voyager plus ? Blast a pris pour exemple le passage de la semaine de 39 à 35 heures, et les études sociologiques réalisées pour la Dares le montrent : les travailleurs ont utilisé ce gain de temps pour être davantage aux côtés de leur famille et se reposer. Seulement 3 % ont affirmé qu’ils voyageraient plus…

Bref, ce plaidoyer pour la réduction du temps de travail, au global, n’est en rien une attaque frontale au travail lui-même, « le grand intégrateur » disait le sociologue Robert Castel. Simplement, plus que jamais urgent aujourd’hui de le repenser pour une plus grande émancipation à l’échelle individuelle, un meilleur partage de la valeur, des richesses, et la préservation de notre Terre sur le plan collectif. Sommes-nous entrés dans cette société post-croissance ?

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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