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journaliste-chef de service
Nous travaillons moins que nos grands-parents. Certes. Mais nous travaillons autrement. Quand nous travaillons…
« Droit à la paresse », quiet quitting, semaine de quatre jours, congés illimités ou encore télétravail. La France de 2022 serait-elle touchée par une oisiveté aiguë ? Non, mais…
« La gauche doit défendre le travail et ne pas être la gauche des allocations et minimas sociaux », dixit Fabien Roussel en pleine fête de l’Huma. Il n’en fallait pas plus pour déclencher un torrent de critiques, notamment à gauche. Sandrine Rousseau au premier chef : « On a un droit à la paresse, on a un droit à la transition des métiers, on a le droit aussi de faire des pauses dans sa vie, et surtout, il nous faut retrouver du temps, le sens du partage et la semaine de quatre jours […] Là on n’est pas du tout là-dedans, la valeur travail, pardon, c’est quand même une valeur de droite », assène la députée écologiste. Le travail, une valeur de droite ? Étonnant, et l’oisiveté alors… une fierté de gauche ?
Dans les chiffres, oui nous travaillons moins que nos grands-parents. C’est indéniable. Entre 1975 et le milieu des années 2000, le temps de travail annuel a baissé de 350 heures, rapporte une étude de l’Insee en 2019. Logique. D’abord parce que la loi des 35 heures est passée par là. Aussi parce que le temps partiel a explosé, ce qui a dopé la féminisation du salariat. Nous travaillons moins, mais nous travaillons autrement. En parallèle, la réduction du nombre d’heures travaillées n’a pas entraîné une baisse de la productivité horaire – la formation des travailleurs (capital humain) et le progrès technique ont contribué au contraire à une augmentation de la productivité horaire depuis 1970 (voir graphiques 1 et 4, rapport France Stratégie*).
Les salariés d’aujourd’hui réclament plus de liberté dans l’exercice de leur activité. Ce qui ne signifie pas toujours qu’ils aspirent à en faire moins. Le télétravail par exemple, longtemps perçu comme un jour de repos déguisé, accroît la productivité des salariés et donc d’une entreprise. De 22 % précisément chiffre une étude de l’Institut Sapiens – il réduit aussi l’absentéisme. Idem pour la semaine de quatre jours, allez demander à LDLC ou d’autres boîtes qui ont passé le cap si leur productivité a fondu…c’est même le contraire. Et pour les congés illimités : « Depuis leur mise en place, notre entreprise n’a jamais été aussi rentable », me confiait en 2020 Indeed, adepte de la pratique.
En revanche, certains salariés ont fait le choix de ne plus se « tuer à la tâche ». Peut-on le leur reprocher au regard de la dangereuse normalisation de la culture burn out ?
Une tendance, venue des États-Unis, émerge en France : le quiet quitting – ou « démission silencieuse ». Soit en faire le strict minimum au travail sans risquer d’être remercié. « Quiet quitting : au travail, les nouveaux partisans du moindre effort », titre le journal Le Point. Parler de « moindre effort » est-elle l’expression la plus appropriée lorsqu’un salarié assure, ni plus ni moins, ce qui est inscrit sur son contrat de travail ? Ce pourquoi on le rémunère… Problème, l’on a tendance à considérer un salarié comme fainéant dès lors qu’il reste hermétique à la culture du dépassement. Dès lors qu’il n’en fait pas plus que ce qu’il est censé réaliser.
D’autres, il est vrai, ont effectué un arbitrage. Entre travailler ou ne pas travailler. « Il faut que le travail paie et paie bien », ne cesse de marteler le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Dit autrement, le travail doit suffisamment bien rémunérer ceux qui exercent un emploi, du moins relativement mieux que ce que proposent les revenus « d’assistance » à ceux qui ne travaillent pas. Là encore, plus que de la fainéantise, un calcul rationnel en termes de coûts et avantages. Signe quand même, et c’est un grand bouleversement, que l’on ne se réalise plus uniquement par le travail.
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