Réforme des retraites, une victoire pour le gouvernement ?

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Geoffrey Wetzel, journaliste-chef de service

Sans grande surprise, le Conseil constitutionnel a validé vendredi 14 avril l’essentiel de la réforme des retraites, dont le report de l’âge légal de 62 à 64 ans. « C’est factuellement la fin du chemin démocratique », a déclaré la Première ministre Élisabeth Borne. Mais, incontestablement, le gouvernement en place ne pourra pas tourner la page aussi rapidement qu’il le souhaiterait.

Sept heures de délibération pour aboutir à une formalité : l’adoption partielle de la réforme des retraites proposée par le gouvernement. Les Sages – dont la dénomination étonne de plus en plus – ont validé le recul de l’âge légal de la retraite de 62 à 64 ans. S’attendait-on à autre chose ? Une décision du Conseil s’impose d’un point de vue juridique. Mais rien n’empêche une loi promulguée d’être contestée politiquement, dans la rue. Alors non madame la Première ministre, le chemin démocratique ne s’arrête pas à la décision du Conseil constitutionnel, d’autant plus lorsque celui-ci vient retoquer ce qui constituait le « sucré » de la réforme, notamment l’index sénior, le nouvel indicateur obligatoire pour mettre au jour les pratiques des grandes entreprises en matière d’emploi des salariés de plus de 55 ans. Idem pour la demande de référendum d’initiative partagée (RIP) déposée par la gauche. Une seconde demande, déposée ultérieurement, doit cependant faire l’objet d’une nouvelle décision le 3 mai. De cette réforme il ne reste finalement que le « salé ».

« Il n’y a ni vainqueur ni vaincu », défend-on dans les rangs d’Élisabeth Borne. Factuellement, c’est bien l’exécutif qui l’a emporté sur les syndicats, le peuple, les Français – majoritairement contre cette réforme en dépit des exercices de pédagogie multipliés par le gouvernement. Mais les principaux opposants n’en resteront évidemment pas là : « La décision du Conseil constitutionnel montre qu’il est plus attentif aux besoins de la monarchie présidentielle qu’à ceux du peuple souverain […] La lutte continue et doit rassembler ses forces », a tweeté le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon. Au Rassemblement national, on estime que « le sort politique de la réforme des retraites n’est pas scellé », selon les termes de Marine Le Pen. Du côté de l’intersyndicale, on appelle à un retour massif dans les rues, le 1er mai, pour protester « contre la réforme des retraites » et lutter en faveur de « la justice sociale ».

La démocratie française fatigue. Épuisée par une Macronie qui, de plus en plus esseulée, impose ses réformes en niant l’opposition. Un gouvernement avide de 49.3, déjà onze sous Élisabeth Borne, qui a dégainé le 100e de l’histoire pour faire passer en force sa réforme impopulaire des retraites. La centième, tout un symbole d’un système en fin de cycle, où les Français s’y retrouvent de moins en moins représentés, écoutés, compris.

À l’étranger, et politiquement, on ne voit plus la France avec le même regard. Les méthodes brutales macroniennes interrogent : « Si la résistance est trop grande, un pas en arrière est souvent plus intelligent qu’un passage en force […] Cela s’applique, par exemple, lorsqu’un coin de table ne veut pas passer dans le cadre d’une porte, et cela s’applique également à la réforme des retraites du président français Emmanuel Macron […] Il faut alors s’attendre à des dommages considérables », analyse le site d’information allemand T-Online. Nombre de journaux, à l’instar du Guardian qualifient le succès du président français de « victoire à la Pyrrhus ». Un journaliste de Tagesspiegel s’interroge : « Quelle serait l’opinion publique, si des populistes nationalistes comme Viktor Orban à Budapest ou le gouvernement [d’extrême droite] du PiS à Varsovie, imposaient une réforme aussi fondamentale que l’augmentation de l’âge de la retraite avec des méthodes autoritaires similaires à celles de Macron à Paris, sans vote au Parlement ? ». À El Pais, on parle « d’honnêteté brutale » – voilà qui laisse une bonne moitié à Emmanuel Macron qui avait tout de même prévu de réformer les retraites lors de sa candidature à sa propre réélection en 2022.

À quoi joue le Président de la République lorsqu’il creuse le fossé entre légitimité démocratique et souveraineté populaire ? À quoi joue le Président de la République lorsqu’il privilégie, quoi qu’il en coûte, son égo et la volonté de sauver son quinquennat plutôt que l’avenir politique français, qui n’a jamais été aussi proche de se trouver entre les mains des extrêmes en 2027 ? À quoi joue le Président de la République quand il minimise la colère sociale qui gronde dans le pays ? Finalement, les grands gagnants de cette gabegie des retraites ne sont autres que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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