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Les grandes puissances du monde ne peuvent plus s’en cacher, l’enjeu climatique doit être en tête de nos préoccupations, en dépit de la pandémie. Si les objectifs du protocole de Kyoto, ratifié en 1997, ont été atteints dans les grandes lignes (réduction de 5,2 % des émissions de gaz à effet de serre – GES – pour 172 pays), le combat sera encore long. Et le prolongement du protocole jusqu’en 2020 n’a concerné que 15 % des émissions mondiales (Chine, Russie, Japon, Canada et États-Unis ne l’ont pas ratifié).
L’heure est donc aux nouvelles promesses et aux engagements sur le long terme. En théorie. En cette fin d’octobre 2020, c’est le Japon qui a surpris, par l’annonce de son objectif neutralité carbone d’ici à 2050. Le nouveau Premier ministre Yoshihide Suga, qui ouvre ainsi son mandat, en a surpris plus d’un·e. Jusqu’ici, le Japon, sixième pays le plus émetteur de GES, avait seulement dit espérer parvenir à la neutralité dans la « deuxième moitié du XXIe siècle ».
Un objectif qui semble irréaliste, tant Tokyo dépend du charbon et du gaz pour sa production d’électricité. D’autant plus depuis la catastrophe de Fukushima. Le pays dit aujourd’hui vouloir miser sur l’innovation, les énergies renouvelables et le nucléaire, mais sur les 54 réacteurs nucléaires, qui ne généraient qu’un quart de l’électricité nationale, seuls 9 ont redémarré depuis 2011. Les centrales à charbon produisent un tiers de l’électricité japonaise, pendant que le gaz naturel liquéfié en fournit 38 %. Voilà pour la neutralité…
Fin septembre, c’est la Chine qui a fixé son propre horizon : ce sera 2060. Premier pollueur mondial (un quart des émissions de GES sont chinoises), l’Empire du milieu est aussi très loin du compte. L’annonce de Xi Jinping laisse sceptique et la Chine continue d’accroître ses capacités de production charbonnées : une augmentation de 21 % par rapport à fin 2019 est en marche. Autant dire qu’on se gardera bien de prendre au mot les beaux discours de Beijing, qui relève plus de l’opportunité de conquête de nouveaux marchés que de la conscience écologique, ne soyons pas dupes.
L’Europe, aussi, s’arme d’objectifs pour 2050. Le Parlement européen a voté une réduction de 60 % des émissions de GES d’ici à 2030, histoire de rentrer dans les clous des accords de Paris (Cop 21, 2015). Seulement voilà, une fois passée la victoire politique des député·es écolos, la question vertigineuse de la crédibilité des objectifs n’est pas réellement posée.
La neutralité carbone en 2050 sera-t-elle le mensonge du demi-siècle ? L’objectif de la neutralité semble désormais intrinsèquement lié aux politiques énergétiques en France, en Europe et ailleurs. Les yeux grands fermés, on accumule les promesses et les prises de position, on nourrit l’illusion d’un cap résolument optimiste. 2050, c’est à la fois proche, preuve de l’urgence et qu’on ne délaisse pas l’enjeu au détriment des générations futures, et assez lointain pour se dire qu’on a encore le temps d’y parvenir. Oui, l’objectif de limitation de l’élévation des températures à 2°C peut être atteint, si l’on converge vers une limitation des GES en 2050. Encore faut-il y adjoindre les évolutions sociétales et économiques internationales indispensables à son accomplissement !
La morale a dépassé la rationalité. La problématique climatique n’est plus seulement un enjeu vital, mais bien un nouvel impératif politique. Il serait aujourd’hui politiquement incorrect, et franchement pas très judicieux d’un point de vue électoral, de ne rien faire et de ne rien dire. Au détriment, donc, des questions qui comptent : que faut-il faire pour y parvenir ? Comment pouvoir le faire ?
Autant dire que le casse-tête chinois, japonais, européen et mondial est un joyeux bazar. Sauf pour notre allié états-unien (pas des plus fréquentable, il faut bien l’admettre), qui n’affiche aucun objectif de réduction des GES et veut se retirer de l’accord de Paris. La planète Terre serait bien inspirée de voter Biden…
Adam Belghiti Alaoui