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Il est des chansons qui expriment, un instant, le « moral » ambiant. Il n’est guère bon.

De grâce, monde nouveau, qui nous « fout la frousse », à l’orée d’un été étouffant, quels signes un tant soit peu exaltants nous donnes-tu ? Ce monde nouveau, c’est un peu celui de Feu ! Chatterton, ce groupe français pop rock aux chansons sibyllines dont les mots portent comme un parfum de tristesse climatique : Un vent, un grand vent nouveau/Soufflait sur le pays très chaudement/Dans un bain, un bain de foule dévot/À moitié ébahi, on se mouillait mollement/La glace fondait dans les Spritzs, c’était à n’y comprendre rien/Tout le monde se plaignait en ville du climat subsaharien/On n’avait pas le moral mais l’on répondait bien/À tous les mots, les traits d’esprit du serveur central.
Ne pas avoir le moral…
Tout un pays attend, mi-résigné mi-colère, les premiers affrontements des ministres dans la lice parlementaire. La courte allocution du chef de l’État privé de majorité absolue nous met mal à l’aise, comme si sa petite phrase sur son « projet clair » et sa réélection avec « une légitimité claire » nous plaçait, nous, moitié d’électorat, dans le rôle de gens qui l’ont trahi, lui. En parlant de « trouver des compromis avec les oppositions », il nous annonce la dramaturgie à venir faite de rejets de lois, d’alliances fugitives et de négociations douloureuses. Emmanuel Macron n’a pas vraiment gouverné, il a, deux ans durant, jeté un bouclier protecteur sur un pays malade, ce qui n’est déjà pas mal, mais il n’a pas tracé d’avenir. Il a essayé, sans grand succès, de raisonner Poutine et de faire patienter Zelensky. Il n’a pas été le Churchill ni le De Gaulle français. Et le voilà qui découvre qu’un pays n’a pas de reconnaissance particulière.
Que faut-il en outre lui crier à ce « serveur central » macronien pour qu’il se jette dans une autre guerre, celle de l’effondrement climatique, autrement moins violent dans ses prémices qu’une pandémie ou qu’un conflit militaire, mais d’autant plus urgent que la menace n’aura aucun terme ? L’appel inédit, impérieux et dramatique des trois énergéticiens, TotalEnergies, EDF et Engie ? D’autant plus alarmant que les trois PDG n’ont rien d’écolos militants…
Garder le moral…
Aux États-Unis, il semble que plus des cinglés tuent au petit malheur à coups d’arme automatique, plus les gens doivent s’armer. Plus Biden s’attriste de ces jeux de massacre, plus il semble compromettre un nouveau mandat démocrate et faciliter le retour du pire républicain possible, Trump ou son clone. Le Texas avait déjà autorisé le port d’arme en public sans permis. Un autre État vient d’abroger la loi qui l’interdisait. En Norvège, un Iranien s’offre un carton sur des gays supposés.
Quant à la Cour Suprême américaine, cadeau empoisonné de Trump à son successeur, bombe à retardement qui vient d’exploser, elle remet en cause le droit à l’avortement acquis depuis cinquante ans. Et le ministre de la Justice du Missouri s’engouffre : ce sera le premier État à l’interdire, sans doute avant bien d’autres.
Pendant ce temps, on célèbre comme une victoire la candidature agréée de l’Ukraine à l’Union européenne. Aucun danger : le pays, au train où les États européens n’aident pas à une victoire militaire, sera russifié bien avant d’adhérer au « monde de demain ».
« On n’avait pas le moral », dit la chanson du groupe. Mais « que savions-nous faire ? »
On le bégayait tous sans n’y comprendre rien
À la loi nouvelle des éléments
Qui nous foutait la frousse et les poils en même temps
La clarté nous pendait au nez dans sa vive lumière bleue
Nous étions pris, faits, cernés, l’évidence était sous nos yeux
Comme une publicité qui nous masquait le ciel
Des millions de pixels pleuvaient sur le serveur central
Un monde nouveau, on en rêvait tous
Mais que savions-nous faire de nos mains ?
Et l’auteur des paroles, Arthur Teboul, répond à sa question : « Presque rien. »