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Pourquoi les Européens se sont-ils réveillés face à l’Ukraine après avoir lâché la Syrie ? Parce que le président français a déclenché l’alarme. Mais désormais, les sanctions économiques ne suffisent plus.

Il existe une certitude absolue, dans cette nouvelle guerre barbare, c’est que l’ours déchaîné ne s’arrêtera pas. De Glucksmann à Hollande, de Breton aux expert·es de la Russie qui se relaient sur les plateaux de télé et de radio, l’appel est unanime : arrêtons Poutine. Je pensais être pessimiste il y a deux semaines quand je craignais « Va-t-on laisser tuer le président ukrainien ? ».
La question se pose plus que jamais : on laisse les avions russes bombarder l’Ukraine, comme en Syrie, comme en Tchétchénie. Sans intervention, sinon de l’Otan, au moins des voisins européens, Poutine va à nouveau l’emporter. Et Zelensky mourra. Ce jour-là, c’est le monde entier qui aura perdu face à la Russie d’un dictateur.
Mais ce monde-ci, celui des démocraties, n’a-t-il pas déjà perdu toutes les guerres depuis sa victoire sur le Mur soviétique à Berlin ? Nous sommes tous et toutes horrifié·es par le sort des Ukrainiens. L’avons-nous été par celui des Syriens ? Des Tchétchènes ? En 2016, les images d’Alep rasée, les enfants, les femmes, les hommes tués sous les bombes russes – exactement les mêmes qu’en Ukraine –, avaient-elles suscité notre empathie et nos dons ? Avions-nous accueilli avec visa provisoire renouvelable et pécule, les Syriens ? Naguy et Leïla avaient-ils organisé en quelques jours un spectacle nourri d’artistes et la Croix-Rouge avait-elle levé des millions d’euros ? Et pour Grozny ? Nous nous étions montrés, nous, Européens, autrement plus indifférents. Pourquoi ? Parce que plus loin. Parce qu’arabes. Parce que russes, coumykes, ingouches, kazakhs, azerbaïdjanais, arméniens (et même, toujours en Tchétchénie, ukrainiens).
En toute logique, celle de Poutine, nous aurions dû ignorer les Ukrainiens. Or, cette fois, l’Europe se mobilise. Elle envisage même de « grelotter », selon le mot de l’ex-président Hollande, en se privant du gaz russe. Pourquoi ?
Eh bien force est de convenir que cette fois, c’est le président français au terme de son mandat, Emmanuel Macron, qui a réveillé l’opinion et ses pairs. C’est lui, le premier, qui est allé en bout de table hausser le ton (concrètement) pour se faire entendre de l’ours (qui n’en a eu cure). Et mobiliser ses pairs. On lui en saura gré, sans doute, en le réélisant, mais il n’a pas fini le job.
Désormais sans plus aucune ingénuité face au génocidaire d’Alep, de Grozny et de Kiev, il lui reste à dépasser les sanctions économiques pour engager l’Europe, déjà belligérante qu’elle le veuille ou non, dans une riposte aérienne. Répondre à l’appel désespéré de Volodymyr Zelensky, ce Coluche héroïque. Il ne le fera sans doute pas, tétanisé lui aussi par le seul mot de « dissuasion » que l’assassin de Moscou a cyniquement prononcé avant même d’envahir l’Ukraine. À moins d’une révolte improbable des généraux morts de trouille et des oligarques figés dans leur garde-à-vous face à Vladimir Vladimirovitch, Poutine va annexer l’Ukraine et ses chars vont se retrouver aux frontières de la Pologne et des autres débris de l’Empire.
Nous en sommes au point où un seul petit bonhomme bouffi d’un mètre 67 fait trembler le monde. Un type qui se fout même de mourir sous les décombres du Kremlin pourvu que le reste de la planète ait été dévasté par sa seule volonté.
Quelle que soit l’issue de cette guerre, c’est toute l’humanité qui va devoir se demander comment elle doit en finir avec cette absurdité suprême : ne devoir la paix qu’à des armes d’annihilation aux mains d’un seul « idéodogue », qu’il se nomme Trump ou Poutine.