L’État et ses 67 millions d’enfants…

Temps de lecture estimé : 2 minutes

Geoffrey Wetzel,
journaliste-chef de service

Pandémie ou sobriété énergétique, le gouvernement s’adonne à l’infantilisation de « ses » citoyens pour résoudre deux défis majeurs de ce siècle. Bien navrant.

Sur le papier, l’État s’essaie à l’exemplarité. Si nous, ministres, n’appliquons pas ce que nous demandons aux Français, on nous le reprochera. Peut-être auront-ils raison. Mais à pousser le bouchon un peu trop loin, l’on risque de basculer dans l’absurde. La caricature. Le grotesque.

On avait déjà eu droit à « l’État nounou », expression notamment employée par l’essayiste Mathieu Laine, au cours de la parenthèse Sars-CoV-2. « Mouchez-vous avec le coude », « aérez votre logement », « lavez-vous les mains », n’a cessé de marteler l’ex-ministre de la Santé Olivier Véran en pleine pandémie. Une pédagogie par la répétition. Laquelle on utilise pour s’adresser à nos enfants et adolescents. Le professeur Rémi Salomon enchaînait la leçon de paternalisme : « À Noël, on coupe la bûche en deux et Papi et Mamie mangent dans la cuisine », répétait-il aux Français. N’oublions pas non plus l’esclandre des masques, d’abord inutiles car manquants… parfois il arrive qu’on ne dise pas toute la vérité aux enfants, il est des histoires qui ne se racontent pas.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Quand le Président de la République Emmanuel Macron emploie le terme de « guerre », dès le mois de mars 2020, il s’octroie ensuite le droit de parler à ses citoyens comme il l’entend et à les sanctionner s’ils ne se conduisent pas comme ce que le gouvernement attend d’eux. De la même manière que les adultes punissent les enfants. Problème, l’exceptionnel s’éternise. Fini, la pandémie. Place à l’environnement et la sobriété énergétique. Là-encore, le gouvernement fait le choix de l’infantilisation.

Alors, fidèles à cette extension de l’État jusque dans nos vies et notre quotidien, certains ministres jouent les protagonistes d’un mauvais vaudeville : Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, ressort le col roulé et promet de ne pas rallumer le chauffage à Bercy tant que la température ne descendra pas sous les 19 degrés. La Première ministre, elle, enfile une doudoune. Quant à Gilles Le Gendre, député Renaissance, il concède avoir troqué le sèche-linge pour l’étendoir. Attendons-nous cela de celles et ceux qui nous dirigent ? De nos élites politiques ? « Toute nation a le gouvernement qu’elle mérite », défendait l’écrivain et philosophe Joseph de Maistre. J’ose croire que les Français s’attendent à un meilleur spectacle.

Le gouvernement recourt, à l’excès, à des injonctions portées sur des gestes qui relèvent du bon sens. Il aurait tout intérêt à insister, avec le même entrain, sur les rapports d’experts qui décrivent avec précision, données et chiffres, l’état dans lequel se trouve notre planète. Nos dirigeants ne doivent jamais occulter la finalité pour laquelle ils demandent aux citoyens de baisser la clim ou d’éteindre les lumières.  Bref, ministres et élus, adressez-vous aux Français comme on agit avec un adulte.

On pourrait seulement en rire. Uniquement se moquer d’une communication « abyssalement » médiocre. Mais ce serait oublier que cette normalisation, cette intériorisation de l’État paternaliste a des conséquences sur les individus eux-mêmes. À trop s’habituer à l’infantilisation, les citoyens s’exposent à une dépendance de plus en plus forte à l’État, à une perte de tout esprit critique et d’autonomie. « La dernière chose dont les politiciens ont besoin, c’est de citoyens autonomes », écrivait l’économiste Thomas Sowell.

Oui l’État doit nous informer. Des conséquences et des risques liés à tel ou tel comportement. L’État doit fixer des règles. Sinon c’est l’anarchie. Mais l’État ne doit pas materner. Ne doit pas s’inviter dans tous les chapitres de notre vie (y compris les plus intimes), à coups de « fais pas ci fais pas ça » sous prétexte d’agir au nom de notre bien. Dès lors que l’État sait mieux ce qui est bon ou mauvais pour chaque citoyen, cela signifie que ce même État pense à la place de son peuple. Une attaque frontale à la démocratie.

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