Le pays qui a changé la donne

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La réélection d’Emmanuel Macron consacre un changement de système politique quelque peu unique au monde. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Olivier Magnan, rédacteur en chef

Du temps où, en France, gauche et droite alternaient, plus ou moins régulièrement, le président de la République élu nommait un Premier ministre, des ministres, le parti disposait d’une majorité écrasante, le pays et ses castes sociales ronronnaient, les entreprises créaient de la « richesse » et polluaient, les voyous braquaient et assassinaient, la Justice tranchait et ainsi tout était-il clair, simple, dans un monde sans menace réelle de 3e guerre mondiale, avec ses nations policées et ses États despotiques auxquels la France, parmi d’autres, vendait des armes, un monde où dose de misère et profits colossaux semblaient la norme humaine.

Puis, tout récemment, en France singulièrement, tout change. Alors que le reste de l’Europe et du monde restent rivés à leurs clivages propres, que les Allemands continuent à élire de façon indirecte leur président fédéral décoratif, que les Anglais binaires travaillistes et conservateurs gardent leur monarchie, tout comme l’Espagne avec son roi qui nomme un président de pure forme et ses partis en nombre qui s’escarmouchent, l’Italie au président potiche aussi et son instabilité partisane, le Portugal, pays de présidence forte partagée avec un premier ministre lui aussi très exécutif, où l’union de gauches socialistes et communistes mène ses affaires parlementaires, la France, elle, change la donne.

Qui est donc ce jeune Monsieur policé au prénom royal, Emmanuel, qui, depuis 2017, sans révolution, sans tapage, sans crise politique, a rompu le binarisme gauche droite pour aboutir, cinq ans plus tard, à un système ternaire, lui et lui seul, extrême centre, flanqué d’une extrême droite et d’une extrême gauche en sentinelles ? À la différence des autres systèmes en Europe, il incarne un président tout-puissant qui nommera un ou une premier·ère ministre « aux ordres » (sauf cohabitation que lui vaudrait un raz de marée peu probable d’Insoumis, de communistes, de socialistes et de Verts mal unis aux élections législatives de juin).

Réélu malgré ou grâce à une pandémie et une guerre en Ukraine qu’il aura plutôt bien gérées, le voilà désormais porteur de tous les espoirs d’un pays en mutation parce qu’il incarne une synthèse. Qu’il nomme ou non des ministres de gauche et de droite, il sera pour cinq ans l’homme de tous les courants, celui qui devra gérer des flux de plus en plus violents dans une société française où une génération en relaie une autre. Tiens ! comme par hasard, à 44 ans, Macron incarne ce passage dans la pyramide des âges. À l’ère de la transition.

Mais tiendra-t-il ?

S’il ne devait pas réussir le compromis de la vraie bascule des transitions écologiques, sociales, entrepreneuriales, il risque le chaos et la dégringolade du pays qui s’affirme de plus en plus leader en Europe, même face à l’Allemagne. Nous misons tout sur un seul homme qui, pendant cinq ans, devra résister aux extrêmes, au retour possible d’une pandémie, aux menaces russes, à la relance économique en favorisant des entreprises avides de relocalisation et d’innovations tout en les canalisant dans un fléchage écologique vital – libéralisme guidé.

Le tout face à un peuple légitimement demandeur de sécurité et de revenus suffisants. Jean-Luc Mélenchon, conscient de ces enjeux, voudrait incarner le « quoi qu’il en coûte » de l’« urgence sociale ». « Il faut prouver, dit-il au JDD, que la politique agit sur le réel ». Cette épée dans les reins d’Emmanuel Macron ne sera pas inutile pour rappeler au « tout-puissant » qu’il gouverne au nom de cet « ultimatum » que j’évoquais la semaine dernière. Nous nous sommes redonné un chef unique, mais nous prenons le risque de tout lui demander. L’homme de la transition devra composer, coaliser, s’entourer, ressentir, bref incarner. S’il réussit, il marquera l’histoire. S’il échoue aussi, du reste.

Le doyen de la tribu. Ai connu la composition chaude avant de créer la 1re revue consacrée au Macintosh d'Apple (1985). Passé mon temps à créer ou reformuler des magazines, à écrire des livres et à en traduire d'autres. Ai enseigné le journalisme. Professe l'écriture inclusive à la grande fureur des tout contre. Observateur des mœurs politiques et du devenir d'un monde entré dans le grand réchauffement...

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