Le Giec intéresse-t-il encore quelqu’un ?

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Geoffrey Wetzel, journaliste-chef de service

Réforme des retraites, 49.3, et motion de censure obligent, la sphère médiatique a mis un temps sur pause son coup de projecteur sur la lutte climatique. Tant pis pour le Giec. Tant pis pour nous.

L’écologie, ça va bien deux minutes. La lutte contre le réchauffement climatique ? On en parle quand il n’y a rien d’autre à dire. Quand les chaînes de télé sont à sec. Hélas, ces dernières années, les multiples volets issus du rapport du Giec passent inaperçus – ou du moins ne figurent pas assez visibles au regard de la catastrophe qui s’annonce. La guerre en Ukraine, et même avant le transfert de Lionel Messi au Paris Saint-Germain, avaient éclipsé le combat environnemental. Si même le football – et le business qui en découle – passe avant le climat… Cette année, c’est la réforme des retraites qui flirte avec le monopole médiatique. La faute à un gouvernement entêté à accoucher d’une réforme dont personne ne veut, ni les Français, ni les syndicats, ni une grande partie des députés.

Les experts du Giec, une énième fois, nous alertent, et nous regardons ailleurs. À se demander si ces rapports successifs restent encore utiles ? « Le Giec pourrait fermer boutique. Pas besoin d’un septième puis huitième rapport. On a fait notre boulot |…] Nous connaissons les informations de premier ordre sur le réchauffement climatique et elles sont suffisantes pour agir. Les décideurs politiques n’ont pas besoin de la deuxième ou de la troisième virgule après la décimale sur le niveau de réchauffement pour prendre des mesures », pointe le climatologue Pierre Friedlingstein sur Twitter. Pire, les dirigeants politiques ne sont-ils pas tentés à l’inaction dans l’attente des prochains enseignements ? Comme une accoutumance à ces constats sur le climat. De par les chiffres qui y sont révélés, ces rapports doivent continuer à nous choquer, nous interpeller. Gare à ne pas s’habituer à ces conclusions désastreuses sous peine de commencer, doucement, à les accepter.

À quoi bon attendre de nouvelles études ? Les rapports sur le climat se succèdent pour aboutir aux mêmes résultats : une responsabilité humaine et des efforts insuffisants pour non pas nous promettre un monde meilleur dans les décennies à venir, mais un monde tout court. « La spécificité de ce sixième rapport du Giec, c’est que l’on rentre dans le domaine des certitudes », explique le célèbre paléoclimatologue Jean Jouzel dans C à vous. L’issue, nous la connaissons si nous ne faisons rien. « Les années les plus chaudes que nous avons vécues jusqu’à présent seront parmi les plus fraîches d’ici à une génération », insiste le dernier rapport du Giec.

Dans le pire des scénarios, la planète sera 4,4 degrés plus chaude à la fin du siècle. Dans le meilleur, la température se stabilisera un peu en dessous de +1,5 degré. Mais selon les experts, qui tiennent compte des engagements pris par les États, l’humanité se dirige vers un monde à +2,7 degrés d’ici à 2100. Bien au-dessus du seuil de 1,5 degré que les États se sont engagés à ne pas dépasser – ou pas trop – dans l’accord de Paris en 2015. Les conséquences d’un tel changement de température, on en a eu quelques aperçus ces derniers mois : canicules, sécheresse, mégafeux, inondations… une version light de ce qui nous attend si nous poursuivons dans cette voie. Des catastrophes naturelles pourtant largement évoquées dans les médias traditionnels, mais davantage pour leur spectacularité que pour les causes et les solutions à envisager pour éviter ces phénomènes. Bref, si l’on se réfère aux pires prévisions, la Bretagne pourrait connaitre le climat du Portugal en 2050.

L’ultime « guide de survie pour l’humanité » présente tout de même un message d’espoir, les solutions existent. Comme l’accès à des énergies et technologies propres (éolien, solaire), l’électrification à faible émission de carbone, la captation et le stockage de CO2, l’amélioration de la gestion des forêts et des cultures-prairies, la réduction du gaspillage et des pertes alimentaires, Et surtout « une action climatique équitable et efficace portée à l’échelle planétaire », défend le président du Giec Hoesung Lee.

Plus que jamais, la préservation d’une planète habitable pour les futures générations requiert une volonté politique et des investissements financiers élevés, encore largement insuffisants. Ou plutôt mal orientés : « Les flux de financements publics et privés pour les énergies fossiles sont toujours supérieurs à ceux dédiés à l’adaptation et l’atténuation du changement climatique […] Il y a suffisamment de capitaux mondiaux pour combler les déficits d’investissement, mais il y a des obstacles à la redirection des capitaux vers l’action climatique », notent les scientifiques. Le défi du XXIe siècle est là. Et il ne concerne absolument pas la réforme des retraites, caprice d’un homme imbu de sa personne qui ne sait plus très bien comment faire pour laisser une trace dans l’histoire après son passage. Aux membres du gouvernement Borne, abandonnez cette réforme, pour porter toute votre attention sur cette bombe à retardement climatique.

Giec : groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, créé en 1988

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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