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En Europe, le football est le sport roi. Le plus populaire, le plus médiatisé, le plus lucratif, le plus décrié aussi. Les salaires mirobolants des stars du foot – le joueur du Paris Saint-Germain Neymar gagne quelque 36,8 millions d’euros par an – en indignent plus d’un. À raison sans doute. Et ce n’est pas la dernière lubie des grands clubs du continent, une Super Ligue leur assurant de se diviser entre eux un sacré pactole sans partage, qui calmera les foot-sceptiques.

Coup de tonnerre sur la planète football. Le projet autant anticipé que craint par les instances européennes du ballon rond et par les fans du beautiful game a été annoncé. Douze clubs européens, et non des moindres, auraient décidé de ne plus participer à la Ligue des champions (LDC), compétition phare du football européen, et de créer une Super Ligue européenne. Une Super Ligue fermée et très lucrative pour ses membres.
Les clubs dissidents ? Trois espagnols (le Real Madrid, le FC Barcelone et l’Atlético Madrid), six anglais (Manchester United, Arsenal, Chelsea, Liverpool, Manchester City et Tottenham) et trois italiens (la Juventus Turin, le Milan AC et l’Inter Milan). Des clubs prêts à faire exploser la compétition qui a fait leur gloire continentale et leur réussite économique : les frondeurs pèsent à eux seuls quarante trophées de la LDC sur 65 éditions.
Mieux, trois des douze « traitres » sont encore en lice pour remporter la coupe aux grandes oreilles cette année ! Le projet présenté ce dimanche est celui de la trahison d’un idéal partagé, un projet prêt à tuer le football européen et son essence. Par avidité.
Oubliez beauté du sport et mérite collectif, pensez plutôt appât du gain et avarice. Le message est clair : les clubs les plus puissants du continent veulent s’affranchir de l’UEFA, qui ne répondrait plus à leurs attentes en raison notamment de la baisse des audiences globales de la Ligue des champions. Voici ce que les grands clubs européens considèrent comme insuffisant : plus de 15 millions d’euros de prime de participation à la LDC, 2,7 millions par victoire, 900 000 par match nul, plus de 10 millions à chaque palier de la compétition (huitièmes, quarts, demis), et 15 et 19 millions d’euros pour le finaliste et le vainqueur. Sans compter les droits TV.
La Super Ligue exclut l’immense majorité des clubs européens, qui rêvent tous de se qualifier à la reine des compétitions qu’est la LDC. La nouvelle compétition reposerait sur quinze clubs permanents (les douze + trois qui restent à trouver), et cinq clubs occasionnels invités chaque année. L’idée est simple : profiter de cet entre-soi entre clubs surpuissants pour faire fructifier un maximum de ressources. Et surtout éviter de partager le pactole avec les autres clubs. Sous couvert de « proposer des matchs de meilleure qualité et de générer des ressources supplémentaires pour toute la pyramide du football », le « club des douze » vise le gros lot sans s’en cacher. On parle déjà d’un butin de 3,5 milliards d’euros.
Le projet est décrié de toute part. Sans surprise, l’UEFA dénonce un « projet cynique ». Anciennes gloires du football, gouvernements, presse spécialisée, tous dénoncent unanimes un projet qui bafoue les valeurs fondatrices du sport au profit des intérêts économiques de ces multinationales que sont devenus les clubs professionnels. Déjà, les instances du football nationales et européennes menacent de sévir et partent au bras de fer économique. Qu’importe, les douze clubs se frottent déjà les gants : les actions en Bourse de la Juventus de Turin ont par exemple augmenté de plus de 7 %. Les retombées économiques pourraient pleuvoir.
Le Paris Saint-Germain et le Bayern Munich sont les seuls cadors européens à avoir décliné, pour l’instant, l’invitation à cette Super Ligue élitiste. Bravo et merci à eux, espérons que leur exemple inspire leurs homologues. In fine, la réussite ou la chute de ce projet devrait échoir entre les mains des fans et des supporters qui, s’ils boycottent les chaînes qui diffuseront l’épreuve et les maillots des clubs qui la joueront, taperont au seul endroit qui compte vraiment dans le sport professionnel d’aujourd’hui: le portefeuille. Comme l’écrit Vincent Duluc, grand reporter et éditorialiste au journal L’Équipe : « Il ne faut pas aimer le sport ni ce sport pour entreprendre ainsi de le dévoyer à son seul profit. »