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Les multiples ingérences des États-Unis et la volonté de la Chine de se retrouver plus que jamais maîtresse chez elle montrent à quel point les pays du reste du monde sont des vassaux des deux maîtres planétaires.

Il va falloir sortir de cette crise un peu moins mondialistes et davantage conscients que la souveraineté n’est pas un mot du passé. Les déboires de la vaccination exigent que nos labos, de Pasteur à Sanofi, sachent concevoir et produire des vaccins « maisons ». Que rien de ce qui ressort de la santé publique ne doit dépendre de l’extérieur. Le mondialisme n’est pas une communauté humaine, c’est un hégémonisme égoïste. Les États-Unis ont pour doctrine, même après Trump, et depuis toujours, America first.
La Chine, comme le titre le magazine Challenges, « déploie son propre modèle de mondialisation ». Son nouveau plan quinquennal (2021-2025) prévoit même sa conquête du premier rang mondial en 2030, étonnamment proche. Avec un PIB certes inférieur à 6,5 % mais toujours archipositif, le futur maître du monde fait voter par des parlementaires aux ordres du PC la volonté de Xi Jinping du concept de « circulation duale ». Pas compliqué : « L’objectif est à la fois [Emmanuel Macron dirait « en même temps »] de limiter la dépendance aux technologies étrangères en développant des solutions made in China et de stimuler la demande domestique », selon les mots mêmes du directeur adjoint de l’Institut chinois sur le développement mondial, think tank attaché au Conseil d’État. Pour y parvenir, la Chine veut en finir avec la médiocrité de ses productions de masse, avec le made in China synonyme de bas de gamme.
La Chine va du reste éjecter peu à peu les entrepreneurs étrangers « qui ne sont pas utiles au développement du pays », confirme Jean-Pierre Cabestan, professeur de science politique à l’université de Hong Kong, cité par Challenges.
Après les humiliations qu’imposent les GAFAM, entre autres, à la France, l’affaire des dossiers des entreprises demanderesses d’un PGE confiés à Amazon par Bpifrance ou le bradage d’Alstom à General Electric, parmi les dénis de souveraineté les plus crispants, il est urgent que la politique française définisse son « propre modèle de mondialisation », peut-être à l’aide d’un plan quinquennal un peu plus costaud que celui que concocte gentiment le haut-commissaire au plan François Bayrou.
Car c’est quand même à nouveau les États-Unis, par la toute-puissance égoïste d’un fonds activiste américain, Artisan Partners, qui ont « eu la peau » d’Emmanuel Faber, PDG, puis seulement président, puis plus rien, éjecté du puissant Danone. Le « crime » d’Emmanuel Faber : avoir voulu, en choisissant pour le géant de l’alimentaire le statut d’entreprise à mission, dessiner l’avenir via la préoccupation sociale et la transition climatique. Au nom de sa détention de 3 % du capital du géant, ce fonds dit activiste a, très vite, obtenu la destitution de ce patron trop peu « productif » à son goût pour la fortune des actionnaires. Quoi qu’en dise Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du Medef, qui prônait hier l’intervention « normale » de ce fonds fort de 134 milliards de dollars d’actif sous gestion, un patron français s’est fait « sortir » violemment de la multinationale française par un financier américain dont l’un des bureaux trône dans le paradis fiscal de Wilmington.
La France est décidément un petit pays dont la voix ne porte plus qu’au cœur de l’Europe, et encore… Il en va de même de la plupart des autres Vingt-Sept. Dans Requiem pour le monde occidental (Eyrolles, 2019), Pascal Boniface, directeur de l’Institut de recherches internationales et stratégiques (Iris), le disait autrement : « Les Européens sont des junkies, accoutumés à la dépendance américaine. » Il ajoutait : « Peut-être est-ce le moment de réfléchir à mettre fin à cette dépendance, qui est plus le fruit d’une habitude que des nécessités contemporaines ? » La destitution comminatoire d’Emmanuel Faber ne montre pas que l’on en ait pris le chemin.
Olivier Magnan