Temps de lecture estimé : 2 minutes
Temps de lecture constaté 2,20’
À force de s’autoproclamer le meilleur stratège du monde face au virus, l’état-major français en guerre va finir par rappeler le mot malheureux de Paul Reynaud à la radio en 1939 : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts »

Au jeu des statistiques des issues létales par rapport au million d’habitants d’une population, ce sont nos voisins belges qui morflent le plus dans le monde : 1 725 décès, dont la moitié en maisons de retraite. Paradoxalement, on en parle fort peu, comme si les Belges étaient appelés à se débrouiller seuls. Pour le reste de l’Europe, le classement mortifère donne l’Italie (1 300) alors que les JT donnent l’impression que c’est le Royaume-Uni, certes pas très loin derrière (1 213) qui est le malade de l’Europe. Pourtant, avec nos 1 008 décès pour un million d’habitants, la France ne pavoise pas, devant la Suisse (877). L’Allemagne sur le pied de guerre ? 481 morts pour un million d’habitants.
Au-delà de l’Europe, les États-Unis, les plus touchés par le nombre net de décès dus à la covid, se hissent à 1 135 morts pour un million. Le Brésil, qu’on nous présente comme livré à lui-même par un président qui continue à clamer que le virus est un mensonge des médias, doit tourner autour de 967 morts par tranche d’un million. En Afrique, le pays le plus impacté – l’Afrique du Sud – grimpe à 522 décès sur le compteur relatif par million d’habitants (l’Algérie serait à 66). Au Mali, 15,6, au Cameroun, 17,7, au Congo (République démocratique du), 7,2.
Chine ? Cette dictature qui fait disparaître les voix discordantes n’est pas à un mensonge près en s’en tenant à ses 4 634 décès, soit 4,4 pour un million. Au sein de la deuxième nation la plus peuplée de la planète, l’Inde, où le non-port du masque très réprimé par la police suffit à ruiner la journée de travail d’un conducteur de VTC – 5,8 euros –, le ratio est de l’ordre de 145. Et l’Iran est le plus touché au Moyen-Orient (682 décès pour 1 million). L’Australie qui avait cru avoir éradiqué le coronavirus se reconfine pour tenter de rester en-dessous de ses 35 morts actuels pour 1 million d’habitants. N’oublions pas la Russie dont on pourrait penser aussi qu’elle « décide » de ce qu’elle annonce. Ça ne semble pas être le cas puisque les nouveaux chiffres dévoilés à la fin de l’année 2020 font état de 1 287 victimes de la covid pour un million de Russes. Hors cette dernière statistique, les chiffres issus des données crédibles et d’Eurostat datent du 10 janvier.
Tout ça pour rappeler que le pays qui n’arrête pas de souligner à quel point les choix des autorités se sont révélés les meilleurs, la France (« aucun pays ne fait mieux » a rappelé en substance le Premier ministre, faut-il en rire ?) devrait opter pour un discours plus modeste quand, malgré l’accélération affirmée de la vaccination, nous sommes le pays le plus à la traîne – si l’on admet que le vaccin sera bel et bien le vecteur de la guérison et que les taux d’efficacité annoncés en laboratoire ne seront pas dégradés dans « la vie réelle ». Le Président et son ministre de la Santé, deux anti-vaccinodromes, ont compris désormais que les 800 sites ouverts en dix jours devenaient la seule option face aux stocks dormants pour failles logistiques. Ils n’ont pour autant pas admis leur erreur initiale.
Si Emmanuel le Hardi (ainsi qualifié par Alain Duhamel dans l’ouvrage qu’il lui consacre aux éditions de l’Observatoire) ne veut pas rétrograder en Emmanuel le Téméraire, il doit adopter un parler vrai et cesser de comparer ses muscles au monde entier.
Olivier Magnan