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Comment remplacer une école élitaire par la même, démocratiquement recrutée…

Voilà une éternité, à l’échelle de la dernière année de son quinquennat, qu’Emmanuel décide sur autre chose que la covid. Et quelle décision ? Supprimer l’École nationale d’administration, trois lettres passées dans la langue avec sa charge émotionnelle : ENA, d’où énarque, énacratie. Synonyme : école des élites. Avec 70 % d’élèves fils et filles de cadres à intégrer l’École suprême, la République se forge un creuset, une réserve, dont le principal danger serait de cloner des nantis qui administreront la France sans jamais avoir appris un autre métier, trimé dans une boîte, galéré avec des Français·es réputé·es justement « moyen·nes ».
Ce président qui a cassé les partis casse le moule dans lequel il a été formé (promotion Sédar Senghor 2004). Que dit-on, déjà, d’un être exceptionnel ? Que son moule a été cassé ! On ne saurait mieux dire de l’énarque Macron qu’il est unique et… pas interchangeable !
Mais supprimer, qu’est-ce que ça veut dire ? Alors que la nouvelle École d’administration publique proposée par l’avocat Frédéric Thiriez, auteur d’un rapport remis il y a un an au chef de l’État, ressemble furieusement par son nom à feue l’ENA dont elle va reprendre les locaux à Strasbourg (École d’administration publique), il lui faudra se redéfinir du tout au tout : recrutement, finalités, notion de rang de sortie par laquelle les majors choisissent le « palais » où ils·elles vont pantoufler, tout doit disparaître dans un cursus où des enfants d’ouvriers – aussi – se formeront à une administration publique d’idées et de performances…
Est-ce là une réponse aux gilets jaunes d’une autre époque qui incarnaient un rappel à l’écoute des « anti-énarques », ceux-là mêmes, à l’image d’Édouard Philippe (promotion ENA 1997), qui avaient abaissé la vitesse sur nationales à 80 km/h au nom de statistiques très administratives ? C’est en tout cas une tentative très symboliquement « à gauche » de la part du tueur d’énarque ! Mais il ne suffira pas à ce pays de rebrasser ses « élites » pour en finir avec son système de castes. Soit les fondateurs d’une « nouvelle filière de formation des 80 diplômé·es annuels » savent créer un cursus ouvert sans concours qui ne dégrade pas pour autant l’excellence technique de la formation des futurs hauts fonctionnaires, soit, à l’image de bon nombre d’États européens, dont l’Allemagne, ces jeunes gens issus des universités sont recrutés sur examens d’État.
Dans ce procès de l’« élite », comme l’exprime le vieux sage Alain Duhamel (élite issue de l’Institut d’études politiques), « les Français veulent tout de l’État et rien de ceux qui l’incarnent ».
Une certitude : si, comme on croit le savoir, Emmanuel Macron a en tête un Institut du service public, il ne doit pas en sortir des « isparques » qui auraient du mal à se distinguer de l’élite de leurs aîné·es.
Olivier Magnan