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Le Président lettré l’aura placée, cette petite phrase d’Albert Camus, au fil d’un discours triomphant du 16 septembre face aux artisans, professions libérales et commerçants comblés. Sisyphe, c’est ce dieu condamné à pousser sa pierre jusqu’au sommet d’une montagne d’où elle finit toujours par retomber. Emmanuel Macron compare la complexité des procédures administratives au rocher de Sisyphe qu’il veut désormais laisser au pied de la montagne. Ce président heureux, candidat à sa succession au moment où la pandémie recule en France sait décidément manier les mots et séduire les foules…

« Il » a fait fort. Le 16 septembre, à la Mutualité, « théâtre » emblématique de grands événements pour la gauche française, Emmanuel Macron a exposé le si attendu Plan Indépendants concocté depuis des mois par l’ancien président de l’organisation des artisans, des libéraux et des commerçants (U2P), Alain Griset, aujourd’hui ministre en charge des Petites et Moyennes Entreprises. Un triomphe à l’applaudimètre. Même quand l’orateur annonça telle mesure antérieure qu’il présenta comme un échec, les applaudissements surgirent, ce qui fit sourire l’orateur qui n’en attendait pas tant.
Macron reste une « bête de scène » par la simplicité même d’un discours sans coups de menton qu’il lit discrètement, de temps en temps, à son pupitre, mais dont il improvise le ton. « Opération séduction », soulignent nombre de médias, mais opération réussie auprès de quelque 3 millions d’artisans, de commerçants et de professions libérales depuis si longtemps « dans l’angle mort » du gouvernement, comme le rappelle le chef de l’État. Et pour cause, on voit peu souvent médecins, électriciens, boulangers ou ferronniers d’art descendre dans la rue !
Et quel plan ! Le tandem Le Maire-Griset aura répondu à la quasi-totalité des revendications parfois vieilles de plusieurs années (et même « ancestrales », selon le président de l’Union des entreprises de proximité, Dominique Métayer). Parmi les « 20 mesures » exposées par le président plébiscité figure en premier lieu « l’insaisissabilité » de l’ensemble du patrimoine personnel. Un entrepreneur individuel à responsabilité limitée réduit au dépôt de bilan, dont le ministre Emmanuel Macron avait déjà « sanctuarisé la résidence principale », ne verra plus ses autres biens disparaître dans sa faillite : « Seuls les éléments essentiels à l’exercice de l’activité professionnelle pourront être saisis en cas de défaillance. »
Parmi les autres mesures d’importance, figurent la transmission, largement facilitée à coups d’exonérations au plafond augmenté et l’accès facilité à l’assurance-chômage, cotisations diminuées de 30 % à la clé. Ambiance idéale pour glisser le point dur du dispositif, la révision de l’assurance chômage censée rediriger une main-d’œuvre en pénurie vers les entreprises dès lors que le chômeur indemnisé ne gagnera pas autant que le travailleur en poste.
Standing ovation donc, pour ce président plein d’humour quand il regrette de ne pouvoir « stipuler au-delà de l’automne prochain » par « humilité ». Une demi-journée pour emmagasiner en toute logique une part appréciable des 3 millions de voix d’indépendants exaucés d’à peu près toutes leurs revendications ce jour-là, non pas sous forme de promesses mais d’engagements difficilement reniables. Certes, le clientélisme macronien connaît ses limites et les indépendants ne sont pas toute la France. Mais du médecin à l’électricien, l’aisance du quadragénaire face aux hordes dispersées de ses concurrents réduits aux thèmes sécuritaires et environnementaux est en train de lui forger un solide ticket pour 2022.
Au moins s’il réussit à apparaître comme un président européen qui ne se laisse pas balayer par la toute-puissance américaine capable de souffler à la France le contrat du siècle. Les sous-marins « volés » risquent de larguer leurs torpilles virtuelles dans le flanc du croiseur Élysée.