Il faudra éviter l’hécatombe après la reprise

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Combien d’entreprises sous perfusion vont-elles se redresser malgré leur retour en activité ? Tout dépend des soins financiers qui perdureront après les réouvertures.

Olivier Magnan, rédacteur en chef

Quand donc l’effet retard des faillites et fermetures définitives va-t-il éclater ? Car le bouclier protecteur du quoi qu’il en coûte ne sauvera pas tout le monde quand les aides vont s’évanouir. Nous voyons aujourd’hui, autour de nous, dans nos villes, des volets fermés et des devantures closes et l’on se dit que, bientôt, tout va rouvrir. Que ces commerces figés d’un coup de baguette décret vont, comme dans un film de Walt Disney, reprendre vie et activité sitôt les fermetures obligatoires levées. Ce ne sera pas le cas.

Pourtant, tout se passe comme si l’épisode sanitaire maîtrisé, les salarié·es, en télétravail ou pas, vont reprendre le chemin des entreprises après une sorte d’arrêt sur image. Mieux, jamais les tribunaux de commerce ne se sont montrés aussi peu fréquentés : 7 046 entreprises étaient en procédure collective à la fin du 1er trimestre. Elles étaient un tiers de plus un an plus tôt.

Or l’on sait bien que les mesures protectrices n’auront pas été suffisantes pour que tous les commerces, toutes les entreprises reprennent vie sans filet. Un grand nombre, maintenus sous perfusion, mourront sitôt l’aiguille nourricière retirée.

Pas seulement les PME. Gap, Camaïeu, La Halle, Celio, Devernois… : les réseaux de boutiques en direct ou sous franchise se préparent à fermer leurs points de vente impossibles à rentabiliser à nouveau. Home Depot est en redressement. La Compagnie des Alpes a subi une perte de chiffre d’affaires presque impossible à restaurer. Des stations de ski ne pourront attendre l’hiver. Des centres de thermalisme sont en train de couler. On licencie dans l’événementiel… D’autres grands groupes en procédure de sauvegarde agonisent : on ne les nomme pas pour ne pas précipiter leur chute. Quant à ces fameux tribunaux de commerce en partie allégés de leurs instances, quel ne sera pas leur réveil brutal quand l’hôtellerie et la restauration vont rendre leur tablier ? Même un chef a priori à la tête d’un matelas d’attente confortable comme Philippe Etchebest commence à racler les fonds de tiroir et ne s’en cache pas.

Alors, l’apocalypse après la disparition des restrictions ? Pas forcément. Pour la majorité des experts, l’image « filmique » d’enseignes lézardées qui s’écroulent toutes brutalement en même temps n’est pas la bonne. Dans le meilleur des cas, ces nouveaux « zombies » vont « traîner » quelques années avant de disparaître… Remplacées par d’autres enseignes ?
L’État devra-t-il conserver les vannes ouvertes un temps indéfini après la reprise espérée ? Forcément. Encore faut-il adapter les mesures. Les fédérations professionnelles demandent la suppression pure et simple des dettes sociales – 20 milliards d’euros –, mais telle n’est pas l’intention de Bercy, ne serait-ce que par souci d’équité. En revanche, l’État va très certainement payer les charges locatives, encore faut-il que les paiements interviennent vite avant que les débiteurs ne soient attraits devant les tribunaux. Il faudra encore repousser le remboursement des PGE (amortissement sur deux années plus 4 ans), à défaut de les transformer en prêts participatifs, voire en subventions, si la Commission européenne, attentive aux distorsions de concurrence, l’autorise.

Reste le fonds de solidarité de 21,4 milliards, usine à gaz (dont 11 milliards de prêts participatifs débloqués dès mai) : il faudra veiller à ce que certaines boîtes ne s’enrichissent pas (effet d’aubaine), même si le plafond de 200 000 euros semble d’ores et déjà insuffisant pour des chaînes de plusieurs centaines de magasins…

Jamais sans doute un gouvernement n’aura affronté tant de pièges, chausse-trapes* et défis. Ajoutez que si l’effet retard des faillites et autres dépôts de bilan se faisait sentir aux alentours de l’élection présidentielle, l’homme qui aura tout essayé pour maintenir à flot les entreprises qu’il a durablement fermées sera en fort mauvaise posture.

C’est tout ce que lui souhaitent un certain nombre de ses concurrent·es propulsé·es soudain en homme ou femme neuve de la République. Pas sûr pourtant que ce mandat de reprise et de sauvetages soit si enviable.

Olivier Magnan

* non, pas de faute 😉

Le doyen de la tribu. Ai connu la composition chaude avant de créer la 1re revue consacrée au Macintosh d'Apple (1985). Passé mon temps à créer ou reformuler des magazines, à écrire des livres et à en traduire d'autres. Ai enseigné le journalisme. Professe l'écriture inclusive à la grande fureur des tout contre. Observateur des mœurs politiques et du devenir d'un monde entré dans le grand réchauffement...

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