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Emmanuel Macron pourrait décréter, avec le nouveau ministre de l’Économie et avec le concours des banques centrales, une année 1 horribilis de son quinquennat pour enrayer l’inflation et sacrifier le pouvoir d’achat, puis s’offrir quatre autres années plus sereines. Ou pas.

Décidément, on ne lâche pas comme ça Patrick Artus, chef économiste chez Natixis, dont j’ai dit tout le bien que je pense de son dernier livre, pour en finir avec le déclin, écrit avec Marie-Paule Virard (Odile Jacob). En l’imaginant en médecin au chevet de la France, j’ai soulevé le commentaire de mon ami Claude Boïocchi, touche à tout de la pensée et coach créateur de l’École des Principes, qui me dit que « les dirigeants ne sont pas des thérapeutes ». Bien sûr, il s’agissait d’une image, d’une métaphore, mais dans le cas de Patrick Artus l’analogie avec une ordonnance s’imposait. Artus n’est pas de ces économistes visionnaires qui discernent les mondes à venir ou qui forgent des théories économiques aussi brillantes que théoriques. J’apprécie chez cet économiste « capitaliste » l’analyse réaliste et, comme il le dit lui-même dans les préludes aux 22e rencontres économiques d’Aix-en-Provence du Cercle des économistes, le besoin d’« une vision claire des mécanismes économiques essentiels ».
Sa liste des mécanismes en question mérite la citation intégrale :
• L’effet des hausses des bas salaires sur l’emploi peu qualifié.
• L’effet des variations des différents impôts sur l’investissement et l’emploi.
• Les causes de la désindustrialisation.
• Le caractère normal ou non du niveau des marges bénéficiaires des entreprises et de la rémunération des actionnaires.
• Les liens entre inégalités patrimoniales et dynamisme économique.
• Les effets de la transition énergétique.
• La manière de corriger les hausses excessives des prix de l’immobilier.
• Les causes des difficultés des jeunes.
« Une fois une position claire affichée sur ces différents mécanismes économiques, il est facile de construire un programme crédible et transparent de politique économique. »
À moins qu’Emmanuel Macron n’ait songé à Patrick Artus comme Premier ministre, ce qui n’est pas le cas, les cinq années à venir s’avéreront mouvementées, ne serait-ce que parce que le retour d’une inflation forte ne semble pas autre chose qu’un retour à la « normale ». Si tant est que ce système capitaliste n’ait pour énergie de croissance que les tensions inflationnistes permanentes, ce que le monde a vécu majoritairement par le passé. Les « dix rouilleuses » que nous venons de vivre à inflation nulle, brutalement secouées par la covid et les menaces de guerre mondiale, restent l’exception.
Il faut revenir dare-dare aux réalités d’un monde sans le gaz ni les céréales russes pour longtemps, confronté à des pénuries et menacé par une transition climatique ratée qui va exiger des milliards d’investissements sans retour immédiat (remplacer une énergie par une autre ne produit pas de gain).
Tous les observateurs – Patrick Artus compris – sont persuadés d’un retour du chômage sur fond de « désistement » des salarié·es (un phénomène que nous allons explorer dans le n° d’été d’ÉcoRéseau Business) et d’une montée forte de l’inflation, en dépit des promesses conjointes de la Banque de France et de la Banque centrale européenne (François Villeroy de Galhau, gouverneur de la BdF, affirme qu’elle sera limitée en France à 2 % d’ici à 2024, ce qui est extraordinairement « optimiste »).
Notre bon docteur Artus espérerait que l’année une du quinquennat, forcément sacrifiée, atone et anxiogène soit mise à profit pour juguler violemment une inflation (avec les effets secondaires d’une médecine de cheval) inévitable, afin de vivre quatre autres années sans retour à l’inflation à deux chiffres de la décennie 1980. Mais le président aux prises avec une nouvelle opposition sera tenté de rester mou sur le remède pour ne pas engendrer un chômage revenu et une perte de pouvoir d’achat inéluctable devant l’impossibilité pour les entreprises de faire suivre les salaires.
Car comme le redirait Claude B., ce en quoi il a parfaitement raison, si les dirigeants politiques ne sont pas des thérapeutes, il en faudrait, pourtant.