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À l’heure où l’on ne parle plus que de bien-être au bureau, il est un phénomène qui ne semble pas déranger, encore nombre d’entreprises : le sexisme au travail. Sexisme « ordinaire » disons-nous aujourd’hui.
On ne peut imaginer, demain, un monde d’entreprise meilleur, si l’on ne dénonce pas ni sanctionne les rapports inégalitaires qui sévissent encore au travail. Si l’on ne prend pas assez au sérieux ce qui est devenu « ordinaire » aujourd’hui : 8 femmes sur 10 considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou décisions sexistes dans le monde du travail, selon le baromètre 2023 du collectif #StOpE. Pas de changement depuis la première édition en 2021.
Jamais nous ne pourrons éradiquer le sexisme au travail. Sous-entendu tous les actes individuels qui se produisent liés à une discrimination fondée sur le sexe. Mais faisons en sorte que ces comportements deviennent déviants, de l’ordre de l’exception, et surtout soient sanctionnés. Finissons-en avec ce terme : « ordinaire » – défini par Le Robert comme conforme à l’ordre normal et habituel des choses. Bref un fléau devenu banal, mais surtout intériorisé.
Intériorisé car le sexisme s’exerce le plus souvent de manière insidieuse – certains dépassent même les limites sans s’en rendre compte, sans le vouloir. « Ma petite », « Ma belle », « Ma grande » font partie du sexisme ordinaire. Percevoir la maternité comme un « problème » pour l’entreprise et comme un « handicap » pour la carrière des femmes également – 7 femmes sur 10 subissent ce type de propos. Beaucoup, sous couvert d’humour, cumulent les blagues sexistes, 3 femmes sur 4 y sont exposées selon le baromètre, contre 2 hommes sur 3.
Comment est-ce possible qu’au sein d’une société où les entreprises redoublent d’imagination pour favoriser le bien-être de leurs collaborateurs, le sexisme au travail reste encore épargné ? Oui, si 8 femmes sur 10 se disent exposées régulièrement au sexisme, ces mêmes femmes font aussi partie de structures qui ne cessent de communiquer sur leur démarche RSE, leurs initiatives pour créer du team building, ou tous les avantages extra-salariaux mis en place pour conserver les talents. L’un n’empêche pas l’autre me direz-vous, mais ne faudrait-il pas commencer par le commencement, à savoir assurer le respect entre collaborateurs au sein de l’entreprise ? Une blague sexiste affecte-t-elle vraiment moins une femme au cours d’un séminaire à la campagne qui vise à resserrer les liens des salariés ? Des propos dégradants sur le management d’une femme – parce que femme – accablent-ils moins son mental dans une entreprise qui aurait mis en place la semaine de quatre jours ? On ne comblera jamais le sexisme ordinaire par d’autres leviers de « bien-être » sur lesquels il est sans doute plus facile d’agir.
Car voilà le problème actuel qui rend possible la perpétuation d’un sexisme en entreprise : les actions se réduisent le plus souvent à de la prévention : « Aujourd’hui, il y a un fossé entre le politiquement correct et l’action. L’acte formation a été très utilisé mais les autres axes (sanction, accompagnement des victimes, cellules d’écoute, etc.) devraient aussi être exploités […] On n’est pas mauvais sur le préventif, mais sur le curatif on a encore beaucoup à faire », explique Brigitte Grésy, spécialiste des questions de sexisme au travail. Ne pas sanctionner revient à accepter un degré « tolérable » de sexisme. Admettre que certains comportements ne sont pas si graves.
Et même lorsque certaines entreprises agissent vraiment, elles le font parfois maladroitement : « Un certain nombre d’entreprises, pensant bien faire, se sont prises d’engouement pour cette notion de leadership au féminin. Alors que ce n’est rien d’autre que de réactiver l’idée que les compétences auraient un sexe », commente Sandrine Ghiotto, coordinatrice du baromètre StOpE.
Bref, les entreprises doivent, plus que jamais, prendre à bras-le-corps ce sexisme « ordinaire », d’autant plus qu’il débouche sur des inégalités plus criantes par la suite : une femme sur deux juge avoir déjà été « empêchée » ou « limitée » dans son évolution professionnelle. Et pour celles qui réussissent, l’on s’empressera de remettre en cause leurs compétences, comme ce fut le cas avec Agathe Monpays, future patronne de Leroy Merlin France. Car femme, car jeune.
Ps : L’initiative #StOpE – stop au sexisme ordinaire en entreprise – réunit près de 200 entreprises engagées contre le sexisme ordinaire au travail. Le collectif dévoile les résultats de la deuxième édition : près de 90 000 personnes réparties dans 15 organisations ont répondu à l’enquête de perception.