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Nous vous en parlions il y a quelques semaines, la crise sanitaire et économique tend à la crise sociale. Aucun doute, la pandémie plonge les plus pauvres vers plus de pauvreté et catapulte les inégalités vers des sommets. Dans le même temps, les plus riches, sans surprise, s’enrichissent encore et encore. Il serait temps de se poser les bonnes questions.

Loin de moi l’idée de resservir une rengaine misérabiliste. Mais le constat est là, immuable et implacable. Il doit être posé. La course folle du creusement des inégalités, jamais à l’arrêt, s’est à nouveau dramatiquement accélérée ces derniers mois. On le sait et on le répète, la pandémie est un vecteur d’appauvrissement, partout. Si la nouvelle ne surprend pas son monde – les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent – les chiffres atteignent de tristes sommets que l’on n’avait plus vus depuis plus d’un siècle.
Le virus des inégalités. Le titre du dernier rapport d’Oxfam suffirait à lui seul à exprimer le drame qui se joue parmi les centaines de millions de personnes qui vivent sous le seuil d’extrême pauvreté, pendant que les pays immensément riches se lamentent sur le sort de leurs industries. Le rapport a été publié la veille de l’ouverture du Forum économique mondial de Davos, qui réunit chaque année, et pour cette fois à distance, les (très) puissant·es de ce monde.
Les enseignements du rapport Oxfam sont édifiants. Des centaines de millions de personnes ont perdu leur emploi, c’est le plus grand choc depuis la Grande Dépression de 1929/1930. Entre 200 et 500 millions de gens ont basculé dans la pauvreté en 2020. Les femmes sont surreprésentées dans les secteurs les plus touchés par la crise, et les 740 millions de femmes dans le monde employées dans l’économie informelle ont vu leurs revenus chuter de 60 %… Les chiffres de la honte n’en finissent plus.
Pire, les inégalités (économiques, raciales, de genre…) tuent. Au Brésil, les personnes afrodescendant·es sont 40 % plus susceptibles de mourir de la covid que les personnes blanches. Idem aux États-Unis où les populations noires et latinos auraient compté 22 000 morts de moins si leur taux de mortalité lié à la covid avait été identique à celui des populations blanches ! On observe des chiffres similaires au Royaume-Uni, en France, mais oui, en Espagne, en Inde… Le taux de mortalité est fonction de la situation sociale.
L’autre constat majeur : les grandes fortunes de la planète profitent de la situation. En neuf mois, les 1 000 milliardaires les plus riches, en immense majorité des hommes blancs bien sûr, ont retrouvé leur degré de richesse d’avant crise. Mieux, les dix personnes les plus riches du monde (Bezos, Musk, Arnault et consorts) ont gagné 540 milliards de dollars (444 milliards d’euros) depuis le début de la pandémie, dont 175 milliards d’euros rien qu’en France, soit deux fois le budget de l’hôpital public. À lui seul, Elon Musk a arrondi sa fortune de 140 milliards de dollars en 2020…
Loin de jouer les fatalités, le constat de l’explosion des inégalités au gré de la pandémie n’est pas sans solutions (Oxfam propose notamment plus de taxes sur la fortune et les transactions financières, et un impôt sur les bénéfices excédentaires depuis le début de la pandémie)…
Les quelques milliardaires qui détiennent le plus gros de la fortune mondiale ont beau ne jamais regarder en bas, ils ne pourront y échapper lorsque l’équilibre chancelant de l’édifice sur lequel ils trônent ne suffira plus à soutenir ses propres vices et s’effondrera sur lui-même. De lui-même.
« Nous ne sortirons de cette pandémie qu’avec une économie qui lutte contre les inégalités », dixit Emmanuel Macron. Pour cela, il faudra repenser le capitalisme et ses dérives. Et ne pas se contenter de constater les dégâts.