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Apparemment, obliger les complémentaires santé à procurer des verres, des prothèses audio ou des dentiers gratuitement aux moins nanti·es parmi les Français·es relève d’une bonne politique sociale. En réalité, comme du temps de la Sécu et ses montures standard, c’est jouer un sale tour aux « bénéficiaires » et à l’environnement.
La France macroniste de la sécurité sociale, valeur républicaine s’il en est, a voté en janvier 2020 la réforme du 100 % Santé. Comment ne pas apprécier l’idée de corriger ses yeux, ses oreilles, sa denture sans coût à la clé quand on dispose de modestes revenus ?
D’où cette obligation légale de l’élimination du « reste à charge ». Comme la Sécurité sociale en tant que telle ne rembourse pratiquement rien de ces orthèses et prothèses qui n’ont pourtant rien de superflu, toute l’obligation de ces formules remboursables à 100 % retombe sur les mutuelles – dites complémentaires santé. Depuis 2013, année de l’Accord national interprofessionnel qui a rendu obligatoire la mutuelle collective dans le privé, 95 % des Français·es souscrivent à une mutuelle, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).
Alors, oui, 77 % des questionné·es d’une enquête pour Opus Line « voient la réforme du 100 % Santé comme une chance ». Mais ils·elles ne sont pas si dupes : la grande majorité de nos concitoyen·nes se doutent bien que pour 0 euro, le « panier » ne sera guère rempli. Et que l’optique, le dentaire ou le « sonotone » remboursé par les mutuelles ne seront pas haut de gamme, ce confort de technologie que les salarié·es moins serrés aux entournures vont choisir, alors même que les tarifs des complémentaires vont augmenter (3 % sur les cotisations annuelles). Le summum de la contradiction est atteint quand le sondage montre que « 12 % des interrogé·es seulement comptent utiliser le panier 100 % Santé » et que « 10 % préfèrent payer un reste à charge pour bénéficier de prestations haut de gamme » ! Au final, 78 % se disent « non convaincu·es par l’utilisation du panier 100 % Santé » !
Côté réforme absurdissime, contradictoire, antiproductive, mais en apparence populaire, on est servi !
Mais on n’est pas au bout du bilan. En plein échange avec le PDG de l’opticien Atol, Éric Plat, je note, pour la seule optique, les conséquences côté coulisses de cette réforme à 0 euro que d’autres doivent bien payer.
À commencer par la planète, comme toujours : pour remplir le panier gratuit, que font les mutuelles ? Elles y glissent des produits chinois, plus simples, mais fabriqués sans normes antipollution et acheminés de ce bout du monde pour la France. En concurrence avec les montures venues d’Italie et d’Espagne (plus le moindre fabricant français !), en concurrence avec les verres d’excellence du français Essilor ou de l’allemand Zeiss. Un verre à 0 euro n’aura bien sûr pas les qualités d’accommodation ni de filtrage de la lumière bleue des lunettes de qualité. « Au surplus, s’insurge Éric Plat, dont la profession a dû, sous la contrainte et en urgence, recoder quelque 20 000 références, sans utilité, le zéro reste à charge existait déjà pour les petits contrats ».
Je demande au patron d’Atol, ex-président de la Fédération du commerce associé où entre son enseigne, lui qui a négocié directement avec les ministres Le Maire (Économie) et Griset (PME) les aides covid pour sa profession, s’il a pu leur exposer ses doléances. « La conversation est difficile », me répond-il, laconique.
Seul compte, en l’occurrence, l’effet électoral d’une impression de gratuité. Combien de réformes ont-elles ainsi visé l’apparence des choses au détriment du bien universel ?
Bonjour
Vous avez raison sur beaucoup de points…
Je me demande si un SDF (ou autre) qui ne voit plus rien, qui n’entend plus rien n’apprécie pas cette proposition.
Évidemment il n’a pas lu votre article, et ne voit pas plus loin que son bout de nez.
Cordialement
Hélas, ledit SDF ne poussera pas la porte d’un opticien. Il ne doit compter que sur l’entraide des associations en maraude qui ont le mérite de suivre les personnes et de veiller à leur santé. C’est là un tout autre cas de figure.