Continuité et urgence

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Sur le papier, le nouveau gouvernement concilie ces deux exigences contradictoires dans un pays qui brûle (comme le reste de la planète)

Olivier Magnan, rédacteur en chef

La France est dotée d’un gouvernement qu’il a fallu trois semaines pour aligner. Et alors ? Demande-t-on à un chef d’entreprise de monter pratiquement de rien l’état-major de managers costauds d’une très grosse entreprise en pleine croissance, en débauchant parfois des cadors tout en les payant moins ? L’analogie État-entreprise est souvent critiquée. Il n’empêche que les ministères sont des services (publics) de choc censés produire des stratégies efficaces pour, au final, améliorer le fonctionnement d’une société dans un budget donné ! Désolé, il y a dans l’affaire un côté managérial qui prévaut.

Or le patron, comme dans une entreprise, ne part pas de zéro. Il conserve les directeurs qui ont fait leurs preuves (de quoi, ça c’est politique), à même d’assurer pour une fois la continuité d’une logique et l’aboutissement de réformes. Un Bruno le Maire à l’Économie, l’homme de l’application du quoi qu’il en coûte salvateur, préfigure, peut-on l’espérer, un Bruno Le Maire expérimenté, rompu aux décisions de crise, enfin à même d’administrer l’économie d’un pays sans virus. Un Gérard Darmanin, tout arrogant qu’il fût, a dû faire le tour de la sacro-sainte sécurité et doit pouvoir veiller à ce que de jeunes policiers frais émoulus n’appliquent pas la peine de mort sitôt qu’un crétin prend la fuite. Un Dupont-Moretti pourra poursuivre son bras de fer avec la magistrature face à une justice en manque qui ne devra pas se colleter avec un nouveau ministre détricoteur… Pas de surprise, le « personnel » sait à qui il a affaire.

Le tout sous la houlette d’une nouvelle directrice générale, Élisabeth Borne, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle sait à quoi s’attendre ! C’est du reste tout le pari d’Emmanuel Macron, lequel, cette fois, innove considérablement. Jamais l’on avait vu un (en l’occurrence une) Premier·ère ministre à mission, celle de distiller les pratiques écologiques de transition dans tous les ministères, donc dans toutes les décisions. Appuyée non par des écolos qui ont systématiquement déçu (ne serait-ce que parce qu’ils et elles n’avaient aucun pouvoir sur les autres ministères), mais par des technocrates – Amélie de Montchalin et Agnès Pannier-Runnacher – peu polluées par des idéologies écologiques.

Logique encore, la nomination à l’Éducation nationale en piteux état d’un universitaire qui sait ce qui l’attend aux lieu et place d’un Blanquer au bilan négatif. Peu importe au fond que Pap Ndiaye soit « de gauche » ou ceci-cela, on lui demande d’enclencher le retour à des formations de gamins et d’adultes qui remontent le niveau de nos scandaleux classements internationaux.

Le reste est affaire de détail, entre les unes et les autres qui avaient déjà décidé de partir, les unes et les autres relégué·es, les unes et les autres oublié·es, les unes et les autres adoubé·es, souvent à des postes de moindre portée.

Un gouvernement ainsi constitué tient la route, c’est tout ce que l’on attendait d’un Macron II décidément dans la peau d’un président au sens que donne au titre une multinationale.

Comme pour toute entreprise du CAC 40, les choix du président tout-puissant se traduiront par une réussite globale, une stagnation de la boîte ou sa perte de parts de marché.

En sachant que l’unique mission ou presque de cette entreprise France, bien isolée dans un monde en grand danger, et bien au-delà des cinq prochaines années, sera l’amoindrissement (rien de plus, hélas !) du choc climatique. Les estivants inconscients qui se réjouissent du « beau temps » seront les cramés heureux des toutes prochaines années. La Première ministre à mission n’a pas le droit à l’erreur.

Le doyen de la tribu. Ai connu la composition chaude avant de créer la 1re revue consacrée au Macintosh d'Apple (1985). Passé mon temps à créer ou reformuler des magazines, à écrire des livres et à en traduire d'autres. Ai enseigné le journalisme. Professe l'écriture inclusive à la grande fureur des tout contre. Observateur des mœurs politiques et du devenir d'un monde entré dans le grand réchauffement...

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