Cela s’appelle l’aurore

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Tout s’embourbe, mais une génération d’entrepreneur·ses se lève partout dans le monde.

Olivier Magnan, rédacteur en chef

L’armée russe s’embourbe. La fin du « général hiver » transforme les voies ukrainiennes non bitumées et les champs en boue, c’est la rasputitsa de printemps. Il n’est pas dénué d’ironie de comprendre que ces deux phases de dégel, au printemps et à l’automne, avaient jusqu’alors joué en faveur de la Russie ou de l’URSS attaquée : l’invasion mongole du XIIIe siècle s’était enlisée aux abords de Novgorod. L’armée de Napoléon en 1812 à son tour s’était enfoncée dans la rasputitsa et ce retard lui avait valu la « Bérézina ». D’octobre 1941 à janvier 1942, l’Allemagne nazie à son tour avait perdu la bataille de Moscou en partie à cause de ces fondrières impraticables.

Et voilà que la rasputitsa, cette fois, tourne en défaveur d’une Russie ni capitaliste ni communiste, au moment où cette « puissance » fourvoyée est devenue le jouet d’un fou de guerre, pas même capable de comprendre que la boue allait débander son armée tout jute en mesure de tirer sur des civils.

L’élection présidentielle en France s’embourbe. Au sortir d’une pandémie qui tente de reflamber, l’accaparement sur le front ukrainien du président sortant enfonce le débat politique dans une rasputitsa aussi prévisible que la météo printanière : En Marche et Macron avaient déjà, il y a cinq ans, ramolli le terrain en démantelant par leur positionnement « en même temps » des partis de droite et de gauche figés dans l’hiver de la dichotomie.

Il serait faux du reste de prêter au candidat à sa réélection le génie d’une stratégie pensée à long terme : la droite et la gauche en France étaient vouées à une fonte de leurs identités politiques, signal d’une mutation du monde : la menace du réchauffement climatique, la mondialisation de l’économie, les pandémies sont les rasputitsa d’un monde en dégel d’où émergent les chaos inquiétants d’idéologies tâtonnantes.

Avril 2022 qui devait sceller la continuité d’une France macronisée offre le spectacle de pistes électorales embourbées : l’extrême droite de Le Pen et Zemmour apparaît désormais comme la seule concurrence au président sortant qui a atomisé tout le reste. Pour deux candidat·es qui se sont à ce point trompés sur la capacité de nuisance de Poutine, une victoire, encore possible sur le papier, serait un embourbement de plus : on voit mal la France dirigée par d’aussi piètres politicien·nes.

Mais lorsqu’on sort, comme moi, d’un entretien avec une jeune femme de 27 ans, Justine Hutteau, créatrice enthousiaste et déjà gagnante de la marque Respire, une gamme de déodorants, de shampoings et de dentifrices made in France en tout point écologiques et sans aucun perturbateur endocrinien (son interview à lire dans le numéro 88 à venir d’ÉcoRéseau Business dont elle « fait » la une), on se dit qu’il est temps de citer Giraudoux dont la dernière réplique de son Électre s’applique parfaitement aux heures que nous vivons ou que, bien plus sûrement, vit le peuple ukrainien :

« Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entre-tuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?

– Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore. »

Le doyen de la tribu. Ai connu la composition chaude avant de créer la 1re revue consacrée au Macintosh d'Apple (1985). Passé mon temps à créer ou reformuler des magazines, à écrire des livres et à en traduire d'autres. Ai enseigné le journalisme. Professe l'écriture inclusive à la grande fureur des tout contre. Observateur des mœurs politiques et du devenir d'un monde entré dans le grand réchauffement...

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