Au Brésil, le sabordage qui insulte l’environnement

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Geoffrey Wetzel, journaliste-chef de service

Destin tragique pour l’un des derniers fleurons de la marine française. Le porte-avions Foch, en fin de vie et désormais sous pavillon brésilien, vient d’être coulé dans l’Atlantique.

Les rapports du Giec n’y changent rien. Les COP, et tout autre sommet sur l’environnement non plus. Vendredi 3 février, le Brésil a annoncé avoir coulé le porte-avions ex-Foch, un colis toxique pour l’environnement. Et pour cause, le navire, long de 265 mètres, contenait à bord presque dix tonnes d’amiante, substance toxique et cancérigène, ainsi que 644 tonnes d’encres, plusieurs centaines de tonnes de peintures toxiques, des résidus d’hydrocarbures et de PCB (polychlorobiphényles). « Déjà en juin 2020, elle [la marine militaire brésilienne, ndlr] s’est débarrassée à bon compte du minéralier Stellar Banner en le torpillant à 150 km au large du port de Ponta da Madeira, dans l’État de Maranhão », pointe l’association Robin des bois.

Une fois de plus, un pays qui fait partie du top 10 des plus grandes économies mondiales se fiche des conséquences sanitaires et environnementales qu’il provoque. Des effets tragiques sur la faune et la flore des océans… et à plus long terme sur les personnes : « La première catastrophe, c’est qu’il va y avoir une mortalité immédiate dans ces communautés de mollusques, de crustacés, de poissons qui seront ensuite pêchés par les Brésiliens […] Un jour ou l’autre cette catastrophe sera perceptible dans l’assiette des consommateurs », alerte Jacky Bonnemains, président de l’association de défense de l’environnement Robin des bois.

Et dans cette tragédie écologique, la France pouvait-elle intervenir ? Car oui, pour rappel, à la fin des années 1950, Le Foch, le jumeau du « Clémenceau », avait fait la fierté de la marine française et de son port de construction, Saint-Nazaire. Le porte-avions avait été revendu au Brésil en 2000, puis rebaptisé le « Sao Paolo ». Mais le Brésil n’avait pas les moyens de rénover le navire, à l’agonie. En France, la Fédération française des entreprises du recyclage et la Confédération européenne des industries de recyclage avaient demandé au gouvernement d’Emmanuel Macron de mettre la main à la poche pour gérer la fin de vie de son fleuron. De l’argent pour accompagner un projet brésilien, celui de transformer le porte-avions en musée naval. En vain… « Les Français aiment conserver les vieilles pierres, mais pas la vieille ferraille », déclare le major Francis Sauve, ex-officier du « Clemenceau », lui-même chassé de port en port à la fin des années 2000.

Peu importe, que le Brésil soit plus responsable que la France ou inversement, in fine, c’est bien souvent l’écologie qui trinque. Voilà qui vaut bien la peine de culpabiliser les Français. À l’heure où l’on vit avec un impératif de sobriété, où il faut maintenir son chauffage à 19 degrés, ne pas abuser de la clim’, rouler à l’électrique, en trottinette, à vélo, où il faut privilégier le covoit’, le train plutôt que l’avion, trier ses déchets, supprimer ses mails, renoncer au sapin de Noël… eh bien même dans cette société-là, marquée par une bienveillance à l’égard de notre environnement qui suppose quelques renoncements, toutes ces actions ne suffisent et ne suffiront pas à combler les aberrations environnementales des grands pollueurs, États ou multinationales.

Pas question ici de pointer du doigt les écogestes de citoyens que l’on qualifie désormais de « responsables » – que ces gestes soient réalisés par bonne conscience ou profonde conviction – mais n’a-t-on pas tendance à se tromper de combat ? L’un n’empêche pas l’autre me direz-vous, mais avouez que l’un aura plus d’impact que l’autre. La Chine, les États-Unis et l’Inde occupent le podium des pays qui polluent le plus – en termes de quantité de CO2 émises chaque année. Évidemment, toujours facile de fustiger la Chine qui répond à une demande d’importations massives de la part de pays considérés plus « propres ». Mais cela n’a rien d’un scoop que de dire, qu’aujourd’hui encore, bon nombre de pays, et notamment ceux qui détiennent les PIB les plus élevés, pensent à leurs recettes commerciales avant les externalités qui en découlent.

Même chose pour les entreprises : un rapport de 2017 mené par l’ONG « Carbon Disclosure Project », montre qu’une poignée d’entreprises dans le monde, une petite centaine, sont responsables à elles seules de près de 70 % des émissions de GES. Le top 3 : China National Coal Group, Saudi Arabian Oil Company (Aramco), Gazprom… Bref, autant dire que la France, à l’échelle planétaire et dans cette lutte contre le non-sens environnemental, compte hélas presque pour du beurre – ce qui ne sous-entend pas qu’elle doit cesser de brutaliser la nature, mais que la préservation de nos vies, à plus long terme, ne repose pas sur elle.

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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