« Breaking Bad » pour l’Europe ? la taxe carbone

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Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), s’appliquera progressivement en Europe, à partir du 1er octobre. Mais est-ce un bon calcul ?

Au cœur du « paquet climat » proposé par la Commission Européenne, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, aussi dénommé taxe carbone européenne, doit permettre à l’Union d’étendre ses normes environnementales aux entreprises qui exportent sur son territoire. Un projet qui semble détenir autant de trous qu’un gruyère.

Aujourd’hui, les importations européennes représentent 20 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE. Pour limiter ces dernières, la Commission a proposé un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Ainsi, dans la nuit du 17 au 18 décembre 2022, les états membres et les eurodéputés ont fini par trouver un compromis sur trois textes majeurs. La réforme du marché carbone européen, le Fonds social pour le climat ainsi que la mise en place d’une « taxe carbone ».

En outre l’Europe s’est fixée un objectif ambitieux au travers de son pacte vert, atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050. Pour ce faire, les émissions de gaz à effet de serre de l’Union doivent être suffisamment faibles pour être absorbées par les puits de carbone naturels, tels que les océans et les forêts. Certaines technologies existent aujourd’hui et permettent de les capturer artificiellement.

Le contrecoup

L’institut Rexecode a calculé l’impact de cette réforme européenne du marché carbone sur les importations et la compétitivité des entreprises françaises. Il l’a publiée cette semaine. L’étude reconnaît que la taxation du carbone est un bon outil car cela fait monter le coût des usages et procédés de production utilisant des énergies fossiles, par rapport aux solutions décarbonées. En revanche, la compétitivité est mise à mal. Lorsque le prix du carbone ne s’applique qu’à une seule zone de production, il défavorise les entreprises locales exposées à la concurrence internationale. En l’occurrence, la facture augmente pour les entreprises européennes, mais pas pour leurs principaux concurrents hors d’Europe, faisant craindre l’apparition de fuites de carbone.

Jusqu’à présent, des mécanismes d’attribution de permis d’émissions gratuits permettaient de compenser cet effet négatif sur la compétitivité pour les entreprises européennes exposées à la concurrence internationale. Plutôt généreuses à l’origine, ces allocations ont suivi la tendance à la baisse du plafond total de permis et sont devenues inférieures aux émissions pour la première fois en 2021.

Qu’en pense-t-on à Bruxelles ?

Pour l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, il considère que l’UE développe un « nouveau rapport à la mondialisation » avec ce mécanisme. « Pendant longtemps, la matrice européenne a reposé sur le libre-échange et sur la conviction que la seule mission de l’UE était d’abolir les barrières pour apporter le produit le moins cher possible au consommateur final […]. Aujourd’hui, on voit une rupture dans cette idéologie puisqu’avec ce mécanisme, on met en place une stratégie environnementale et industrielle qui permettra d’aller vers une concurrence loyale entre les entreprises européennes et mondiales ».

Droit dans le mur ?

Selon l’étude Rexecode, si tous les permis aujourd’hui alloués gratuitement étaient vendus aux enchères, cela représenterait au prix du CO2 actuel une dégradation des comptes d’exploitation des entreprises de l’ordre de 45 milliards d’euros par an au niveau européen, et 4 milliards d’euros en France.

Leur remplacement par le MACF va étendre le choc de coût à l’ensemble de la production domestique des secteurs concernés. Les entreprises européennes qui utilisent les produits concernés comme consommation intermédiaire paieront le prix du carbone importé et ce surcoût se répercutera en cascade, tandis que les produits transformés à partir des mêmes produits hors d’Europe ne supporteront pas cette taxe.

Si l’intention de protéger l’Europe face à une concurrence déloyale néfaste pour l’industrie et le climat est louable, l’architecture du nouveau système d’ajustement carbone à la frontière menace la compétitivité de l’industrie européenne au moment où la plupart des pays de l’UE, dont la France, affiche des projets de « réindustrialisation verte », et où leurs grands concurrents, les États-Unis et la Chine, adoptent des stratégies très offensives.

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