Sheryl Sandberg n’est plus dans la Vallée

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D’une société presque dépourvue de véritable stratégie de vente, Sheryl Sandberg a modelé une des entreprises les plus rentables de la planète.

Elle est la femme la plus puissante de la Silicon Valley. Et de ce seul fait, elle compte parmi les plus puissantes du monde. Numéro deux de Meta (ex-Facebook), Sheryl Sandberg annonçait, au premier jour du mois de juin, son départ du géant numérique mondial, propriétaire de Facebook et pionnier du métavers. Femme de confiance de Mark Zuckerberg, sa démission est comme le symbole du virage sensationnel que va désormais tenter le groupe… D’une dimension à l’autre.

Enfin les vacances ! L’Asie, l’Europe… Un tour du monde en solitaire. Le pied ! En 2008, quatre ans après avoir fondé Facebook, Mark Zuckerberg s’octroyait ses premières vacances de géant de la tech. Bien que n’étant pas tellement du genre à se la couler douce, le milliardaire californien d’alors 24 ans était parti à l’aventure la tête reposée. Son bijou bleu et blanc, encore nouveau et presque révolutionnaire à l’époque, était bien gardé. À Palo Alto, mythique siège du réseau social, Sheryl Sandberg, sa fidèle numéro deux, veillait au grain. Transfuge de Google, la stakhanoviste venait pourtant d’arriver dans l’entreprise, en tant que directrice des opérations. Zuckerberg, homme pourtant peu prompt à déléguer, accordait sans peine sa pleine confiance à cette femme de plus de dix ans son aînée.

Un tandem ravageur

Entre ces deux intelligences, pourtant aux opposés, le courant est passé très vite. Au petit génie les enjeux numériques et informatiques. Sheryl Sandberg, en ex vice-présidente de Google, s’occuperait pour sa part des affaires « commerciales ». Communication, publicité, juridique… Bien utile pour un Mark Zuckerberg rapidement perdu dès lors qu’il lève le nez de ses algorithmes. « Sheryl », puisque dans ce monde-là, tout le monde s’appelle par son prénom, est également l’indispensable relais vers Wall Street et Washington. Utiles connexions. Ainsi, Sandberg n’en n’eut pas pour longtemps : elle fit de Facebook la machine à cash publicitaire que l’entreprise est devenue. La fameuse règle machiavélique était érigée : « C’est gratuit : c’est vous le produit. »

Celle qui a fait de Facebook une des entreprises les plus prospères du globe

Tant pis pour la vision, un brin idéaliste, qui animait jadis les concepteurs de l’outil. À mi-chemin entre le surfeur et le geek, les premiers développeurs de Facebook rêvaient d’en faire un lieu ouvert à toutes et tous, un outil pour connecter les êtres humains entre eux, une plate-forme où les valeurs capitalistes, bien que présentes, n’emporteraient pas toujours le morceau. Avec Sheryl Sandberg, tout a changé : Facebook basculait dans un consumérisme à tout crin dont il ne devait plus jamais sortir. Mais la machine tourne, et à plein-régime. Si à son arrivée, Facebook pesait 500 millions de dollars, maintenant, c’est 117 milliards. Le groupe est également passé de 500 à 77 000 collaborateurs. Et pour les utilisateurs, là encore, c’est un voyage d’une dimension à l’autre. De 100 millions de visiteurs quotidiens, nous voilà à 3 milliards, soit plus du tiers des terriens. Rien que ça.

Communicante d’une entreprise pointée du doigt

D’une société presque dépourvue de véritable stratégie de vente, Sheryl Sandberg a modelé une des entreprises les plus rentables de la planète. Le tout au risque de l’essoufflement et même de l’épuisement. L’image de l’entreprise s’est dépréciée d’année en année. Le géant Facebook a été impliqué, comme le souligne le Times, « à des interférences électorales au Royaume-Uni, aux États-Unis, et dans d’autres pays ; dans un nettoyage ethnique en Birmanie ; dans une affaire terroriste en Nouvelle-Zélande ; à des campagnes de désinformation durant la crise pandémique et à l’insurrection au Capitole de Washington ». Joli palmarès. Les algorithmes toxiques, encouragés jusqu’à la saturation par des méthodes commerciales extrêmement agressives, finiraient-ils par lasser ? Les utilisateurs occidentaux, plus jeunes en tête, délaissent et décrochent. Facebook, la tête de proue, pourrait bien devenir le boulet du groupe. Instagram, WhatsApp et les activités du métavers – marques également détenues par le groupe Meta – incarnent, elles, un futur plus saillant.

Le tournant

Aux prises avec ce que le Wall Street Journal qualifie de « véritable épuisement », Sheryl Sandberg a annoncé son départ de manière tout à fait volontaire. Même si Zuckerberg, sans doute, ne la pleurera que d’un œil. Les anciens duettistes, au fil du temps, se sont un peu fâchés.

Sheryl Sandberg avait tendance à apparaître comme une figure de Facebook perdue dans le monde de Meta. En bref, elle appartenait plutôt au passé qu’au futur de l’entreprise, ce qui n’est jamais un bon signe, surtout dans le numérique où tout peut très vite flétrir. Ainsi, elle n’a pas été vraiment associée au tournant « métavers » du groupe, et à la transformation du F de Facebook en M de Meta. Des Gafam aux Gamam… Une révolution qui se fera sans elle, dès l’automne, lorsqu’elle quittera pour de bon les palmiers de Palo Alto. « La fin d’une ère », comme l’avoue de lui-même Mark Zuckerberg.

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