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Anarchy in the UK
Au Royaume-Uni, tous les signaux virent au rouge. L’économie est morose, l’inflation tonitruante, la société en ébullition. Le gouvernement de Rishi Sunak semble incapable d’imposer un cap pour sortir de cette crise profonde.
Récession, inflation, manifestations. Voilà le triste cortège qui accompagne les Britanniques en cet hiver. Le tout au milieu de secousses politiques graves. La Grande-Bretagne, en plus de connaître une inflation à plus de 11 % est le seul pays du G7 à subir la récession. Et l’année nouvelle ne s’annonce pas plus résiliente… La baisse du niveau de vie devrait atteindre 7 % en moyenne, selon Emmanuel Todd. Londres, farouchement hostile à la Russie, doit admettre des indicateurs économiques bien plus dégradés que ceux de Moscou.
Certes, la visite du président ukrainien à Downing Street devrait offrir un court répit à Rishi Sunak. Il s’agit seulement du deuxième déplacement international du leader depuis le déclenchement des hostilités. Sympathiques images en perspectives… Rishi Sunak doit aussi faire oublier Boris Johnson, « le meilleur ami de Zelenski ». L’homme aux mèches blondes s’est même récemment rendu à Kiev pour le rencontrer. Un exercice de diplomatie parallèle particulièrement humiliant pour M. Sunak.
Rishi Sunak, Premier ministre le plus impopulaire de tous les temps
Le nouveau Premier ministre britannique (le troisième en un an) peine à s’imposer. En effet, il est le Premier ministre le plus impopulaire… de toute l’histoire du Royaume-Uni ! Sa politique n’imprime pas. Il faut dire qu’il n’a été désigné à ce poste ni par les électeurs, comme Boris Johnson, ni même par les adhérents du parti, comme l’étrange Liz Truss. Son accession à Downing Street ne fut rendue possible que par le vote d’une petite majorité des députés conservateurs…
Sa feuille de route en cinq points, tracée en janvier, semble un pari hasardeux. Il a promis de réduire l’inflation, la dette, d’augmenter la croissance, de redonner vie au système de santé et de réduire l’immigration illégale. Autant d’objectifs qui doivent être atteints en fin d’année – il s’y est engagé. Comment peut-il y parvenir ? S’il déçoit, et c’est très probable, les Conservateurs engageront les élections générales de 2024 dans une posture perdante à tous les coups.
De l’autre côté de l’échiquier politique, le chef des Travaillistes, Sir Keir Starmer, est pour l’heure assuré d’une très large victoire. Il rêve même d’anticiper les élections et de contraindre l’actuel gouvernement à revenir devant les électeurs dès cette année.
Les Britanniques subissent et s’appauvrissent
Pendant ce temps, les Britanniques tentent de résister à l’inflation. Contrairement à la France, ils n’ont rien ou presque à attendre de leur gouvernement. Liz Truss, qui proposa un bouclier tarifaire massif, fut éjectée hors de Downing Street par les marchés mécontents. La City a ses raisons que la raison ignore. Rishi Sunak refuse donc de suivre la même voie, décidé à survivre en politique.
Ainsi, des millions de gens en sont réduits au « heat or eat » (se chauffer ou manger). Normal : les factures d’électricité sont stratosphériques. 50 % de hausse cet été, 80 % à l’automne et encore 50 % en janvier. Intenable, y compris pour les classes moyennes. Alors, les citoyens du Royaume-Uni passent des heures sur des blogs, à la recherche d’astuces pour économiser. Ils épluchent aussi les promotions hard-discount.
Le pays bloqué par des grèves massives
Ce peuple, pourtant adepte du « Never complain » (ne jamais se plaindre), donne de la voix et sort dans la rue. Avec les manifestations contre le projet de réforme des retraites, la France, pourtant brocardée par Londres comme la championne des grèves, fait pâle figure ! Des conducteurs de train aux infirmiers, des femmes de ménage aux routiers… Même les kinésithérapeutes entrent dans la danse. Le pays tourne au ralenti depuis l’automne. Le système de santé, particulièrement précaire, est au cœur de la plus longue grève de son histoire. Les infirmières sont tellement mal-payées qu’elles doivent souvent cumuler avec un deuxième emploi pour s’en sortir.
Une infirmière, citée par L’Humanité, déclare ainsi qu’après avoir été touchée par la covid, elle a tout simplement sombré dans la précarité. « Je ne pouvais plus exercer ce job supplémentaire. À partir de là, ça a été la dégringolade. Je n’ai plus pu payer mon loyer, j’ai dû vendre toutes mes affaires. J’ai perdu mon indépendance. Maintenant, je loue une chambre chez mon propriétaire. Pendant ce temps, le secrétaire à la Santé affirmait que les infirmières devaient régler leurs problèmes toutes seules. C’est pire qu’une insulte. »
Il est vrai que pour l’heure, le gouvernement britannique se refuse à toute négociation avec les salariés du NHS. Il est loin le temps où Rishi Sunak les qualifiait de « héros » du Royaume-Uni. Désormais, il tente plutôt de faire adopter une loi pour limiter le droit de grève…