Reconquête industrielle
L'Hôtel de l'Industrie, siège de la Société d'encouragement pour l'Industrie nationale, place Saint-Germain des Prés à Paris.

Temps de lecture estimé : 3 minutes

La Société d’Encouragement pour l’industrie nationale organisait, ce 31 mai, une journée passionnante, dédiée à la souveraineté industrielle. 

Nous vivons un véritable printemps de l’industrie. Le deuxième secteur de l’économie revient en force dans les paroles… Et même dans les actes ! L’heure de la reconquête industrielle est-elle venue ?

Le quartier évoque davantage les grandes heures de la littérature, du jazz ou de la mode. Pourtant, c’est bien à Saint-Germain des Prés, écrin chic de la Rive gauche, que vit le cœur de l’industrie française. Une superbe bâtisse aux airs de ministère, qui se tient bien en face de l’église, à deux mètres seulement du café des Deux-Magots.

La Société d’Encouragement pour l’industrie nationale, fondée par Bonaparte en 1801, est la mémoire vivante de l’aventure industrielle française. Des balbutiements aux sensationnels progrès du Second Empire puis de la Troisième République. Que de grands défis notre pays a pu réaliser grâce au concours du « deuxième secteur » ! De la tour Eiffel à la fée Électricité, du Normandie au France, du Concorde au TGV, des mines de charbon aux centrales nucléaires…

L’offensive Nicolas Dufourcq

Nicolas Dufourq, directeur général de Bpifrance, et Anaïs Voy-Gillis, directrice du programme Renaissance industrielle
Nicolas Dufourq, directeur général de Bpifrance et Anaïs Voy-Gillis, directrice du programme Renaissance industrielle (© Bpifrance)

Il faut bien l’écrire, depuis les années 1970 et le choc pétrolier, cet établissement était tombé, comme l’industrie, dans un profond sommeil. Confronté au désamour national, il fut le témoin impuissant d’une France qui se rêvait « sans usines ». Comme si le travail des ouvriers était devenu anachronique. Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, fervent défenseur du renouveau industriel, le précise : « On a considéré que la France devait être une société d’intelligence, délestée de l’aspect productif ».

Chacun a pu se rendre compte du poids de cette erreur lors de la pandémie, où notre pays s’est découvert incapable de produire des masques… Et moins encore des vaccins. Nicolas Dufourcq rappelle d’ailleurs, devant une assistance concernée, que c’est la littérature contemporaine qui leva le voile sur la désindustrialisation. De Michel Houellebecq à Nicolas Mathieu, toute une littérature pointe les effets pervers d’une France toute acquise au monde des services.

Premier invité de cette journée consacrée à la souveraineté industrielle, Nicolas Dufourq pose d’emblée l’enjeu. « Le regard sur l’industrie doit changer ». Partout, à l’occasion de ses déplacements dans les régions, il appelle les acteurs de l’industrie à « monter sur leurs tonneaux » ; jusqu’à « vociférer ». Se faire entendre, quoi qu’il en coûte, pour peser enfin. Un discours volontariste qui tranche avec l’habitude française de tomber amoureux du problème sans jamais chercher la solution. Bpifrance, acteur incontournable des start-up, engage désormais un tournant vers « l’économie productive ». Les balbutiements d’un État soudain redevenu stratège ? Le banquier public, qui fait la Une du 99ème numéro d’ÉcoRéseau Business, tient son cheval de bataille.

L’incroyable exemple de Dunkerque

Plusieurs bonnes nouvelles pointent à l’horizon. Outre le plan « France 2030 », qui prévoit d’investir dans nos usines, la réforme du lycée professionnel, promise par Emmanuel Macron, devrait permettre de changer enfin le regard des élèves – et de la société – sur les professions industrielles et ouvrières. En effet, l’enjeu de main d’œuvre, la création d’un écosystème favorable, est la condition sine qua non de la reconquête industrielle.

Ce printemps est celui de l’industrie. Le 30 mai, Bruno Le Maire inaugurait en grande pompe la « gigafactory » (usine géante) construite par ACC. Elle produira des batteries électriques destinées aux automobiles. N’oublions pas l’incroyable projet ProLogium. Le groupe taïwanais s’apprête à investir cinq milliards d’euros à Dunkerque, avec 3 000 emplois à la clef ! Antoine Troesch, directeur de l’investissement au sein de la Banque des Territoires, insiste sur ce projet d’ampleur, face au public de la Société d’Encouragement pour l’industrie nationale.

L’invincible printemps de l’industrie

Le coq de « La French Fab » est l’emblème du mouvement pro-industrie.

Antoine Troesch lance à la salle cette information incroyable : « Lors de la décennie précédente, le plus grand projet industriel en France devait tourner autour des deux milliards d’euros. Celui-ci, à Dunkerque, c’est cinq milliards ». Et si la France était en fait compétitive ? Antoine Troesch, qui a pu rencontrer les dirigeants du groupe taïwanais, leur a posé la question. « Au juste, pourquoi choisissez-vous la France ? ».

Ce groupe qui produit des batteries intelligences est venu à Dunkerque pour profiter d’infrastructures performantes. Il fut séduit par l’attrait des aides à l’installation. Elles sont huit fois plus importantes en France qu’aux Pays-Bas ou en Allemagne, les deux autres pays qui souhaitaient attirer cette usine. Seul notre coût du travail, trop onéreux, aurait pu les dissuader. Notre talon d’Achille est clairement identifié… Les charges sur le travail !

Mais surtout, et il faut le noter, ce groupe est venu à Dunkerque parce qu’il y avait du foncier à disposition. En effet, pas si évident, pour un grand groupe industriel, de trouver le bon emplacement pour installer une grande usine. Aucun maire n’a très envie d’infliger un tel chantier à ses administrés. « Comme le nucléaire, l’industrie est superbe… Surtout quand l’usine n’est pas devant chez vous ! », ajoute, caustique, un membre du public. Méfions-nous de la loi contre l’artificialisation des sols, qui pourrait rendre incompatible de nombreux projets industriels au nom de règles environnementales. Comme l’écrit David Lisnard cette semaine, dans sa chronique pour L’Opinion, il paraît de toute façon difficile de « sauver la planète depuis la France ».

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

J’accepte les conditions et la politique de confidentialité

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.