Pour l’Europe, Macron est au début de sa fin

Macron et son échec aux législatives : au-delà des frontières françaises !

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Bruxelles, ma belle, je te rejoins bientôt
Aussitôt que Paris me trahit
Et je sens que son amour est gris, et puis
Elle me soupçonne d’être avec toi, le soir
Je reconnais, c’est vrai
Tous les soirs, dans ma tête
C’est la fête des anciens combattants
D’une guerre qui est toujours à faire

Bruxelles, attends-moi, j’arrive
Bientôt je prends la dérive

Ces quelques paroles d’Alain Bashung sont de circonstance pour Emmanuel Macron, alors qu’il rejoint, jeudi 23 juin, la capitale belge – comme pour soigner la plaie de ses déceptions françaises. Un Conseil européen l’attend, avec ses attendus immanquables et le plus souvent ennuyeux. S’il n’a plus de majorité française, il demeure, pour encore quelques jours, jusqu’au 1er juillet, « président de l’Union européenne ». Enfin, plus exactement, c’est la France qui préside le Conseil de l’Union européenne. Une responsabilité de semestre, très principalement honorifique. Moins bien pour le récit des communicants, mais c’est ainsi. Après Bruxelles, il y aura Madrid et le sommet de l’Otan. Viendra ensuite le G7 du Château d’Elmau, en Bavière. Zelensky devrait s’inviter en visioconférence à ces divers événements. Habitude bien rodée désormais. Certains croient même savoir qu’il pourrait se déplacer au G7 in personam.

Pour quels résultats ? Emmanuel Macron est parvenu à mettre Russes et Ukrainiens d’accord, au moins sur un point. Gageure ! Les deux peuples, par leurs télévisions respectives, s’amusent d’un nouveau verbe : « Macronner. » Sa signification ? Parler pour ne rien dire. Se montrer inquiet d’une situation mais ne rien faire. Pas très flatteur. Nous connaissons bien en France ce léger travers présidentiel.

Flottements, à quoi ressemblera le second quinquennat Macron ? 

L’adresse télévisée qu’il délivra mercredi 22 juin fut du même acabit. Bien malin celui (ou celle) qui saura en extraire la substantifique moelle. Tout au juste, on avait cru comprendre qu’il y avait là un ultimatum jeté à la face des oppositions. Du genre : « Je pars à l’étranger, mais d’ici à mon retour, vous avez intérêt à vous mettre d’accord ! » Mauvaise pioche. Le lendemain, ses ministres s’empressaient de dédire ce qu’il avait pourtant bel et bien affirmé la veille. Message brouillé et brouillon. Conséquence du départ de Clément Léonarduzzi, ancien pilote de la communication présidentielle, désormais chez Publicis ? Il faudrait songer à le rappeler.

Dans les palais de la République, ces temps-ci, même le flottement semble flotter. À quoi va bien pouvoir ressembler ce second quinquennat d’Emmanuel Macron ? Certains imaginent déjà le président se limiter à un rôle de superministre des Affaires étrangères, un peu comme Chirac sur la fin. D’autres sont convaincus qu’il parviendra à rallier à son panache l’opposition la moins farouche – celle du centre gauche et celle du centre droit. Pour gouverner de nouveau, presque comme avant.

La Grande-Bretagne sévère avec Macron

Et ailleurs en Europe ? On regarde la défaite présidentielle comme une déroute. The Economist, fameux hebdomadaire londonien qui donne le ton de la conversation financière mondiale, semble très déçu : « Emmanuel Macron sera-t-il capable de faire quoi que ce soit dans son second mandat ? » Le Telegraph, pour sa part, souligne l’étrange ambiguïté de la situation française : « Quelques semaines seulement après sa réélection, Emmanuel Macron se retrouve bel et bien en fonction, mais pas nécessairement au pouvoir. »

Le quotidien conservateur poursuit en se répétant la fameuse maxime : « La France est décidément ingouvernable. Emmanuel Macron a cru faire mentir l’adage. Il semble qu’il n’y soit pas parvenu. Ces élections sont un sérieux revers pour le président français. S’il a de grandes ambitions pour diriger l’Europe, il devra d’abord démontrer qu’il peut conduire la France. » Le Times désigne pour sa part la seule vainqueure du scrutin, Marine Le Pen. La « leader of the National rally » profite à leur avis des erreurs de Macron. La BBC évoque pour sa part un président « châtié et affaibli ».

Outre-Rhin, on s’étonne des tribulations hexagonales

Pas de majorité ? Rien d’extraordinaire en Allemagne où, à l’exception de Konrad Adenauer, tous les chanceliers durent composer avec des partis partenaires. Au pays du compromis et de la négociation pragmatique, les mœurs françaises semblent tenir du bizarre. Obtenir près de 40 % des sièges, vu d’Allemagne, c’est déjà énorme ! Le mode de scrutin n’est certes pas le même.

Le Süddeutsche Zeitung titre sans appel : « Perdu. » Et en Français dans le texte. Le mot de « gifle », abondamment cité en France, est repris allégrement. L’austère Frankfurter Allgemeine Zeitung baptise drôlement son éditorial : « Au pays du mouvement dégagiste. » Et poursuit en griffant : « Le problème de la politique actuelle n’est pas seulement une pauvreté des projets mais aussi que le dégagisme n’est pas toujours injustifié. »  Bild, quotidien populaire, et de loin publication la plus lue d’Allemagne, évoque « une leçon pour Macron ». Le tabloïd à la sauce berlinoise s’alarme de la poussée de Mélenchon, qualifié de « haineux de l’Allemagne » (réputation qu’il se traîne depuis Le Hareng de Bismarck). Cela dit, pour Corriere della Sera, le chef des gauches est « un rêveur tiers-mondiste passionné par l’Amérique latine ». Guère mieux !

Ailleurs et enfin

Pêle-mêle, Le Soir de Bruxelles titre « Cauchemar à l’Élysée », et s’amuse de voir la France « apprendre l’art du compromis à la belge ! ». De Buenos Aires, Clarín ne fait pas dans la dentelle : « Macron a perdu la partie. » El País analyse : « Les Français envoient un signal à Macron : ils veulent imposer des limites à son pouvoir. » Une défaite en mondovision.

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