Nicolas Dufourcq parle de désindustrialisation

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Dans La désindustrialisation de la France (éditions Odile Jacob), Nicolas Dufourcq livre un récit au scalpel de vingt ans d’abandon de notre tissu industriel. Plus qu’un soupir sur le déclin, le patron de la BPI offre d’intéressantes perspectives pour un rebond stratégique devenu urgent.

« Le pays peut faire 100 fois mieux, il n’est pas à son potentiel. » Au micro de Sonia Mabrouk, dans la matinale d’Europe 1, mardi 13 septembre, il tonne et il étonne. Malgré les crises, son optimisme semble à tout crin. Inébranlable. Tout autant qu’une parole franche qui ne dissimule rien des difficultés. Allier les deux est une gageure, il y parvient. Et relève du même coup un défi original en France : celui de la vérité.

Nicolas Dufourcq croit dur comme fer au redressement industriel. Le directeur général de Bpifrance incarne, depuis 2013, une figure de l’économie d’action. La « BPI », au départ vague promesse de campagne de François Hollande, n’était pas promise à un avenir très brillant. Beaucoup voyaient en elle un nouveau « machin » aux airs de gadget administratif. Erreur. Bpifrance, ça marche. Et plus personne désormais n’aurait l’idée de remettre en cause son utilité. Elle s’est rendue indispensable à l’économie française !

Place aux chiffres. Bpifrance, c’est 20 milliards de financements directs, 7,12 milliards de crédits garantis, 50 milliards de crédits injectés dans les entreprises rien qu’en 2021… Bien qu’organisme public, elle conjugue agilité et efficacité dans l’exercice de ses missions. Financement de l’innovation, aide à l’export, accélération de projets, soutien aux PME, maillage du territoire productif… Un spectre large.

Un combat acharné pour l’industrie

1995-2015. Deux décennies durant lesquelles la France va se vider de la moitié de ses usines et perdre le tiers de ses emplois industriels. Récit d’un carnage. Aux éditions Odile Jacob, Nicolas Dufourcq pose d’abord un diagnostic. Il porte le titre même du livre : La désindustrialisation de la France. « Tout le monde a ses empreintes digitales sur le déclin de notre industrie », assène le « DG » de la BPI. Mais le patron (plutôt de gauche) charge particulièrement le PS et les 35 heures : « D’un point de vue technique, ça a complètement déstabilisé. » Nicolas Dufourcq accuse aussi « la fuite en avant du divertissement face à un monde complexe ». En bref, le refus d’entendre le réel qui frappe à la porte…

La théorie centrale de Nicolas Dufourcq est originale autant que pertinente. Si à son avis, la France a enduré, comme tous ses voisins, une première crise industrielle dans les années 1970, (choc pétrolier, extinction des mines de charbon, crise de l’industrie textile, mondialisation…), notre pays s’est laissé asséner un second choc sur la tête, dans les années 1990. L’économie française s’est engagée à tout crin sur la voie des services, tandis que les autres pays continuaient à croire en l’industrie. Ni l’Italie, ni le Royaume-Uni, et moins encore l’Allemagne, n’ont un seul instant délaissé ce secteur économique capital. La France, si. Résultat : « On ne s’est pas du tout préparé à l’arrivée de la Chine. »

Dans La désindustrialisation de la France (éditions Odile Jacob), Nicolas Dufourcq livre un récit au scalpel de vingt ans d'abandon de notre tissu industriel.

Et l’Éducation nationale dans tout ça ?

Nicolas Dufourcq pointe aussi un triste choix, celui des délocalisations. L’industrie française compte aujourd’hui six millions de salariés à l’Étranger. Cinq fois plus en proportion que l’industrie espagnole, trois fois plus que l’industrie allemande. « Dévastateur pour le maintien des compétences », pointe Nicolas Dufourcq. Aux origines d’un drame…

Autre malheur français, « la germination des imaginaires ». L’Éducation nationale n’a pas donné à l’industrie sa place de choix, à tel point, accuse Nicolas Dufourcq, que « l’enseignement professionnel est devenu la poubelle de l’Éducation nationale ». Pendant vingt ans, la France n’a pas du tout valorisé son savoir-faire industriel. Souvenir funeste d’un ex-président d’Alcatel qui disait « rêver d’une France sans usines »…

« Si les Français aiment Top Chef, ils aimeront Top Fab’ »

« Si nous avons 7 % de chômage alors que d’autres en ont 3 %, c’est parce que certains de nos compatriotes ne sont pas en action […] La France macère ! », Dufourcq y va franchement. Un discours véridique ? C’est un appel : « L’industrie correspond aux besoins de nombre de nos compatriotes qui ne veulent pas passer leurs journées devant une souris d’ordinateur. »

En dépit d’un constat accablant, Nicolas Dufourcq est convaincu que nous sommes aux prémices d’une reconquête. « La beauté du moment qu’on vit, c’est que la prise de conscience est là ». « Il faut surmonter un manque de confiance en soi. Vous avez beaucoup trop de Français qui acceptent des vies qui ne sont pas à leurs dimensions. Il faut aller chercher sa chance. »

L’entreprise livresque de Nicolas Dufourcq est salvatrice. En écrivant l’histoire récente de notre industrie, il identifie fort bien les racines du déclin et lutte contre la tentation amnésique qui frappe souvent notre pays. Identifier les causes pour qu’elles ne reproduisent plus les mêmes effets. Changer les choses. Un choix fondamental.

La désindustrialisation de la France, par Nicolas Dufourcq, éditions Odile Jacob

 

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