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La France peut-elle revenir dans le jeu en Afrique ?
Emmanuel Macron va essayer de redorer le blason français en Afrique. Au travers d’une tournée diplomatique dans les pays du sud du Golfe de Guinée, il va tenter de faire oublier certaines maladresses.
En Afrique, continent de l’avenir, la France fait elle partie du passé ? Emmanuel Macron joue gros durant cette semaine africaine. Depuis des mois, l’influence de notre pays s’y réduit comme peau de chagrin. Au Mali, en Centrafrique, au Burkina Faso… Les Français sont désormais persona non grata. Nos militaires ont été priés de plier bagage. Les dirigeants africains sont échaudés par les interventions françaises en Libye et au Mali. L’accusation de « néo-colonialisme » renforce un sentiment d’hostilité. Une rancœur évidemment exploitée par nos concurrents dans la région : Moscou, Pékin et Ankara.
Ainsi, à compter du mercredi 1er mars, Emmanuel Macron visitera pêle-mêle le Gabon, l’Angola, le Congo et la République démocratique du Congo (RDC). Quatre nations voisines, qui forment un bloc au sud du Golfe de Guinée.
Attention aux faux-pas
En arrivant au pouvoir, en 2017, Emmanuel Macron a caressé l’envie de tracer avec l’Afrique de nouvelles relations, en rupture avec la sempiternelle « Françafrique ». Mais le revers essuyé au Sahel est vite venu doucher cet espoir. En parallèle, le président de la République a accumulé les maladresses et s’est montré peu convaincant. Une séquence terrible, datée de novembre 2017, reste ancrée dans les mémoires locales… Emmanuel Macron s’était ouvertement moqué de Roch Marc Christian Kaboré, le président du Burkina Faso.
Lors d’un débat houleux dans une université de Ouagadougou, Emmanuel Macron s’emporte : « Vous me parlez comme si j’étais toujours une puissance coloniale, mais moi je ne veux pas m’occuper de l’électricité dans les universités au Burkina Faso ! C’est le travail du président ! ». Alors que son homologue burkinabé se lève et quitte la salle, Emmanuel Macron sort cette méprisante brimade : « Du coup il est parti réparer la clim’ ! ». Des images qui passent mal sur le continent, où elles sont interprétées comme un signe de mépris.
Pire encore étaient les propos de Nicolas Sarkozy, qui avait déclaré en 2007 à Dakar : « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Ou comment se mettre à dos, en une phrase, un continent héritier de civilisations millénaires. Une simple visite au musée du Quai Branly suffit à s’en rendre compte.
Le Gabon au centre du déplacement
Première étape, le Gabon. Emmanuel Macron participera, le 1er et le 2 mars, au « One Planet Summit » (Sommet Une Planète) qui se tient à Libreville. Pays typique du « pré carré » français, le Gabon est le seul pays de l’AEF (Afrique Équatoriale Française) qui a un temps refusé de prendre son indépendance. Ainsi, le Premier ministre Léon Mba, souhaitait que son pays devienne un département d’Outre-mer, ce que refusa le Général de Gaulle en 1960. Resté longtemps très proche de Paris, le Gabon fut notamment la base arrière du groupe pétrolier public Elf-Aquitaine.
Aujourd’hui, si le Gabon reste un ami de la France, il prend, comme le reste du continent, certaines distances. Depuis 2022, il fait même partie du Commonwealth, un comble !
La venue d’Emmanuel Macron au Gabon suscite l’ire de l’opposition locale, qui le soupçonne de vouloir afficher son soutien, en creux, à l’actuel président Ali Bongo Ondimba. Le tout à six mois d’une présidentielle très attendue. « À tort ou à raison, les Gabonais interpréteront votre arrivée dans leur pays comme l’expression du soutien de la France au régime en place, en vue de favoriser son maintien au pouvoir », déclarent dans une lettre ouverte les principaux chefs de l’opposition.
Un choix stratégique est à faire
Le sous-texte de ce déplacement à haut-risque en Afrique tient également à la « réarticulation » du dispositif militaire de la France. Diplomates et militaires s’affrontent au sujet des bases françaises situées à Abidjan (Côte d’Ivoire) et à Dakar (Sénégal). Si les présidents de ces deux pays se disent favorables au maintien de ces bases, le Quai d’Orsay pense qu’il serait plus sain de les quitter.
Ce serait un moyen de communication intéressant pour couper l’herbe sous le pied à ceux qui accusent la France de « néo-colonialisme ». Le ministère de la Défense pense au contraire qu’il est dangereux d’abandonner le terrain. La nature ayant horreur du vide, les miliaires craignent que la présence française ne soit supplantée par une autre ; qui pourrait être russe ou chinoise. Il faudra donc trancher. Mais qu’en pense Emmanuel Macron ?