Quatrième République OSS 117

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Tumulte au Parlement, gouvernement à la merci des oppositions, bisbilles politiciennes, coups de Trafalgar en tous genres…

Le climat de ces deux dernières semaines rappelle étrangement les heures chaotiques de la Quatrième République, cette mal-aimée désormais bannie des consciences. Replongeons-nous dans certaines des pages de cette étrange époque, entre la Libération et la guerre d’Algérie. (ouvre un nouvel onglet)

Qui se souvient encore de la Quatrième République ? Pour les petits Français d’aujourd’hui, seule la figure de René Coty, brandie avec humour par Jean Dujardin dans OSS 117 Le Caire nid d’espions, face à un citoyen égyptien perplexe, évoque encore cette période de notre histoire.

René Coty. Ce nom évoque quelque chose de suranné, de très lointain ; il fait écho au temps du tabac froid, des premiers téléviseurs et des chansons de Charles Trenet. Le second président de la Quatrième République (qui n’avait qu’un rôle très symbolique) était un placide notable de province, élu au petit bonheur la chance, par les parlementaires réunis en Congrès à Versailles… au treizième tour de scrutin. Philippe Bouvard, alors jeune plume du Figaro, fut chargé d’aller recueillir les premières réactions de son épouse (on ne parlait pas encore de Première dame). L’élu du Havre vivait dans un appartement cossu de l’île de la Cité. La débonnaire bourgeoise, stupéfaite par l’annonce, se contenta de déclamer, pour toute réaction : « Je vais lui préparer un poulet pour ce soir ! ».

Un pouvoir instable où régnait en maître l’art de la combinaison

L’essentiel du pouvoir politique, en ce temps-là, résidait au Palais Bourbon. On ne parlait pas d’Assemblée nationale, mais de Chambre des Députés. Ce que vit Madame Borne aujourd’hui n’a rien d’extraordinaire : à l’époque non plus, il n’y avait pas de majorité ! La seule différence tient qu’il suffisait d’une mauvaise humeur des députés pour faire tomber le gouvernement. La valse des ministères était coutume établie. Les Français n’avaient pas même le temps de retenir le nom des principaux ministres que déjà ceux-ci étaient remerciés. Quelle précarité !

Qui étaient-ils, ces gouvernants d’alors ? Ils s’appelaient Georges Bidault, René Pleven, Henri Queuille, Edgar Faure, Antoine Pinay, Félix Gaillard, Pierre Pfimlin… Il y eût ainsi, en 11 ans, une trentaine de gouvernements. Les plus chanceux, comme Guy Mollet (16 mois) ou Edgar Faure (11 mois), parvinrent à garantir un certain équilibre. D’autres, comme Paul Ramadier (1 mois), Pierre Pfimlin (16 jours) et surtout Robert Schuman (2 jours !) se contentèrent seulement de défaire et refaire les cartons.

Pourquoi une telle instabilité ? D’abord parce que le pouvoir, comme on l’a vu, était placé presque entièrement dans les mains du parlement. Mais aussi et surtout parce que la politique française était très éclatée, pour ainsi dire éparpillée entre des courants antagoniques. Voilà qui rappelle nos affres d’aujourd’hui !

La France coupée en trois

Il faut dire un mot d’abord de la force écrasante du Parti communiste, qui représenta jusqu’à 27 % des voix, et fut même la première force au parlement en 1945, au sortir de la guerre (159 sièges). Une victoire à la Pyrrhus, car le parti, alors inféodé à Moscou, était incapable de nouer des alliances. Ainsi, il ne représentait qu’une minorité de blocage et se voyait exclu de la prise de décision. Le MRP (Mouvement républicain populaire) incarnait la droite ; se rêvant en pendant de la Démocratie chrétienne italienne ou de la CDU allemande. Ce parti, ensuite liquidé par le Général de Gaulle, qui parvint à le supplanter ; eût un rôle considérable durant la Quatrième République, presque toujours au pouvoir.

Enfin, la SFIO (ancêtre du PS) représentait le dernier tiers de la France politique, écartelé déjà entre ses diverses tendances. Le Parti radical, autrefois majoritaire sous la Troisième République, continuait de jouer un certain rôle. Central et centriste, il était souvent le point d’équilibre, en charnière. Ainsi, bien que minoritaire, il sût manœuvrer. Son représentant, le charismatique Pierre Mendès France, fut sans doute l’homme politique de la Quatrième qui laissa le meilleur souvenir. Il eût ainsi la charge de conduire le gouvernement durant cinq mois, en 1954. Pour l’anecdote, il supprima l’habitude, alors très courante, de servir aux enfants, à la cantine, du vin de table coupé avec de l’eau…

Des gouvernants qui vivotent

Certains épisodes vinrent troubler le jeu, comme la montée en puissance du mouvement de Pierre Poujade, l’Union de Défense des commerçants et artisans (UDCA). Ce parti protestataire, destiné à fédérer les mécontents, permit à Jean-Marie Le Pen de faire son entrée à l’Assemblée nationale. Les communistes, de l’autre côté, soufflaient sur les braises, toujours prêts à dénoncer une classe gouvernementale souvent inféodée aux intérêts atlantistes…

L’ambassade américaine, déjà située avenue Gabriel, était en effet un centre important du pouvoir. Certains politiciens en vogue, comme René Pleven ou Antoine Pinay, venaient y prendre leurs ordres. Le jeune François Mitterrand, député puis ministre de la Quatrième, ne manquait pas d’y faire un tour – au même titre que Valéry Giscard d’Estaing, alors collaborateur du brave Edgar Faure.

Vers la République gaullienne

Ainsi la France était-elle devenue le terrain d’influence des puissances de tous poils (toute comparaison avec l’époque contemporaine était bien entendu proscrite…) ; et les acteurs politiques cherchaient souvent à se réfugier sous un parapluie étranger. Au milieu de ces circonvolutions volubiles, le problème algérien se mit à gonfler jusqu’à devenir l’éléphant dans la pièce. « Les événements », comme ils étaient pudiquement nommés, menacèrent d’emporter la République, la démocratie avec elle.

Le manège des gouvernements, l’absence de pensée de long-terme, empêcha tout sursaut. Si bien que les parlementaires durent se résoudre à rappeler au pouvoir, certes bien contre leur gré, un certain de Gaulle. Soudain tiré de sa retraite de Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne), le Général s’évertua à rétablir l’ordre et la concorde… Un pouvoir nouveau voyait le jour. Nous vivons aujourd’hui encore dans son sillage.


Les Indiscrets d’ERB…

Allô Pradié ? Ici Matignon ! • La politique française joue au téléphone arabe. Dimanche soir, tandis qu’Élisabeth Borne passait un coup de fil au patron de la CGT, Philippe Martinez, son directeur de cabinet faisait lui aussi chauffer la ligne. Aurélien Rousseau, ancien directeur général de l’Agence régionale de Santé d’Île-de-France ; désormais principal collaborateur de « La Première », tentait une négociation… Au bout du fil, le député LR Aurélien Pradié, qui menace de ne pas voter la réforme. Et donc de faire capoter le projet de loi. Câlinothérapie ? L’élu du Lot, dont le frère est boulanger, a répliqué sèchement : « Je ne suis pas votre copain mais votre adversaire ». Ce qui est dit n’est plus à dire.

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