Ces « phryges », un symptôme du manque de made in France ?

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Les petites mascottes qui incarneront l’image des JO de Paris 2024 sont au cœur d’une polémique inattendue…

« Les Phryges » défraient la chronique. Depuis qu’elles ont été dévoilées par Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, ces mascottes sont pointées du doigt. Et pour cause : ces petits monstres rouges seront, pour l’immense majorité, fabriqués en Chine. Mauvais genre.

Révolution française ou révolution culturelle ? « Les Phryges », dont l’aspect tente de rappeler le bonnet phrygien, symbole de 1789, seront fabriquées en Chine, au pays de Mao. Un grand bond en arrière… Sacrée maldonne à l’heure où l’exécutif tente de renouer avec le made in France. Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a botté en touche, les bras ballants : « On ne sait pas faire. » Un abandon qui est l’exact inverse de la maxime napoléonienne : « Impossible n’est pas Français ». Prépare-t-il le tome II de son livre d’excuses ?

On ne sait pas faire, vraiment ? Après l’imbroglio des masques et l’humiliation du vaccin, nous voilà face à la débandade des peluches… Joli feuilleton. Heureusement, certains ministres, au contraire d’Olivier Véran, tentent encore de se rendre utiles et de faire leur travail. Christophe Béchu, en charge de l’écologie, trouve cette affaire « problématique » et « veut croire qu’on a encore quelques mois avant que les JO ne se tiennent pour être capables de corriger le sujet ». « La lucidité est la blessure la plus proche du soleil », écrivait René Char…

Sa collègue des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, tente de se mobiliser. « On va essayer d’avoir plus d’ambition sur la relocalisation de la production en France, on est au travail là-dessus, on a des contacts avec l’ensemble des ministères, on va essayer de remonter cette proportion », indiquait-elle au micro de France Info. « Je veux croire », « on va essayer » … Quel tourbillon d’ambition !

10 % des peluches produites en Bretagne

Le marché représentera aux alentours de deux millions de peluches. Il a été confié à deux entreprises : Gipsy et Doudou et Compagnie. La première, qui produira 40 % des stocks, le fera uniquement depuis son usine chinoise. La seconde en assurera la grande majorité (60 %). Soit 1,2 million de peluches. Là encore, cette entreprise choisit la Chine, mais tout de même : 200 000 « Phryges » seront étiquetées made in France. Ce qui représentera, en tout et pour tout, 10 % du nombre total de peluches. Ces exemplaires mascottes sortiront de l’usine de Guerche-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), le fief de Doudou et Compagnie.

L’usine va d’ailleurs s’agrandir pour l’occasion, ce qui va permettre la création de cinquante emplois nouveaux. Dès janvier, 700 mascottes made in France seront produites chaque jour en Armorique. Alain Joly, dirigeant de Doudou et Compagnie, assure que « l’offre pourra augmenter selon les demandes des clients ».

Alors, production chinoise ou production bretonne ? Comparons les prix. Pour une peluche de 28 centimètres, la première sera vendue à 26,90 euros contre 49,90 euros pour la seconde. Évidemment, la qualité et le modèle social français ont un prix. Il faut aussi tenir compte des différences structurelles, entre l’usine chinoise, colossale, et la bretonne, à taille humaine. Sans oublier l’impact écologique…

La bronca des défenseurs du « Fabriqué en France »

Un dixième seulement de la production des mascottes sera française. C’est petit bras. Certains avocats du « produire Français » s’insurgent contre une sorte de bleu blanc rouge washing… Amandine Hesse, présidente de la Fédération Indépendante du made in France, ne décolère pas. « Il n’y a aucune raison valable de produire en Chine si ce n’est la recherche du profit, car nous avons les moyens de production sur le territoire français. » Furieuse contre les modalités d’attribution des marchés publics, pas assez protecteurs, elle veut lancer l’initiative d’un boycott.

Même sur ce sujet assez enfantin, on retrouve le fameux conflit des philosophies entre la quantité et la qualité. Vaut-il mieux offrir à son enfant une pléiade infinie de peluches qui pour la plupart finiront par traîner dans les placards, ou au contraire sélectionner des cadeaux qui ont du sens et qui font montre d’une qualité certaine ? On notera qu’avant les années 1980, l’entreprise Gipsy produisait ses peluches en France. Preuve que l’impossible fut possible.

Il faudra de l’audace

Olivier Véran serait bien avisé de se demander comment cette entreprise fonctionnait avant sa délocalisation en Chine… Aucune force métaphysique, aucune divinité mystérieuse, en bref, aucune fatalité, n’interdit à la France de sortir de sa léthargie productive. Il suffirait simplement d’une véritable stratégie… et d’un peu de courage politique.

La covid a été l’occasion d’une prise de conscience quant à la nécessité impérieuse de relocaliser la production dans certains secteurs essentiels : énergie, transports, électronique, médicaments, textiles… Assurément, la peluche n’a rien d’un secteur essentiel. Mais cette petite affaire prouve bien que les belles intentions du printemps 2020 sont tombées en désuétude. Business as usual ?

Puisqu’avec « Les Phryges » la période révolutionnaire est à l’honneur, citons Danton : « Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée. » Chiche !

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