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Tandis que l’euro est à la peine, le rouble russe semble, pour sa part, tirer son épingle du jeu. Comment la Russie parvient-elle à maintenir sa monnaie à flot en dépit des sanctions ?
Il y a bien eu une petite résurgence dimanche 24 avril, après l’annonce de la réélection d’Emmanuel Macron, saluée par les marchés. Mais tout de même. Dès le lendemain, l’euro renouait avec la sinistrose qui l’accable depuis ces derniers mois. Notre monnaie commune atteignait son plus bas niveau depuis deux ans face au dollar. On l’échangeait ainsi contre 1,0687 dollar, vers 11 h 20 (heure de Paris). Une baisse de 0,24 %…
… Un flottement jamais vu depuis mars 2020, date où les baromètres de l’économie mondiale s’agitaient au rythme de la progression de la pandémie… Aujourd’hui, c’est évidemment la guerre en Ukraine qui concentre les difficultés. Temps brumeux, temps crispés. Comme à chaque crise, l’euro est une devise délaissée au profit de la monnaie américaine, indépassable valeur refuge vers laquelle on se tourne en cas de coup dur.
En miroir, l’étonnante (et artificielle) santé du rouble
De l’autre côté du continent, en Russie, le rouble est, pour sa part, à son plus haut niveau depuis deux ans ! Tant et si bien que lundi 25 avril, à l’occasion d’une réunion gouvernementale sur la situation économique, Vladimir Poutine s’est même félicité de la « stabilisation » de la monnaie russe : « L’inflation a ralenti, la croissance hebdomadaire des prix s’est rapprochée de la normale et sur un certain nombre de produits, les prix ont déjà commencé à baisser. » Méthode Coué ? Sans doute. Mais pas que. Il est vrai qu’après une période d’extrême incertitude, juste après le début de la guerre, où la consommation russe jouait au yo-yo, la situation semble normalisée. En bref, la population russe ne craint plus la rupture générale d’approvisionnement, même si la situation économique du pays reste très tendue. Malgré tout, l’on reste assez loin de l’effondrement imaginé. Les Occidentaux misent pourtant sur les sanctions économiques et une déstabilisation de la monnaie russe pour contraindre Vladimir Poutine à cesser ses agissements guerriers en Ukraine. Dès la fin février, les États-Unis coupaient ainsi la route du dollar à la Russie. L’euro et la livre devaient suivre peu après. Impossible pour la Banque centrale de Russie (BCR) de se servir des devises étrangères afin de racheter du rouble, moyen habituel pour éteindre les incendies monétaires. D’après les experts occidentaux, la suite était certaine : asphyxié, le rouble était condamné à baisser jusqu’à des niveaux faméliques, entraînant dans le même temps une inflation exponentielle.
Du moins en théorie. Car la BCR, face à cette situation inédite, a déclenché sa dernière carte. La bombe nucléaire des banquiers centraux : le contrôle des capitaux. En clair, les Russes ne peuvent plus échanger leur épargne contre des devises étrangères. Autre mesure impressionnante, le doublement du taux directeur de 10 à 20 %. Annoncé fin février par la gouverneure Elvira Nabioullina, ce relèvement spectaculaire a permis au pays d’éviter une inflation stratosphérique. Mais c’est un respirateur artificiel qui ne pourra pas s’éterniser, au risque de voir la monnaie russe être définitivement décrédibilisée. Ainsi, la BCR a déjà abaissé son taux à 17 %. Une nouvelle réunion de son conseil d’administration devrait se tenir vendredi 29 avril. La première depuis mars. Elvira Nabioullina tiendra ensuite une conférence de presse, scrutée, évidemment, par le monde entier.
Valentin Gaure