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Une analyse signée Isabelle Lebon, professeure de sciences économiques, et publiée par The Conversation.

Le premier tour de l’élection présidentielle s’est conclu avec un taux d’abstention qui atteint 25,14 %. En dehors de 2002 (28,4 %), les abstentions les plus élevées jusqu’alors avaient été, pour un premier tour, 1969 (22,4 %) et 2017 (22,23 %).

Si cette baisse de la participation n’est pas catastrophique, elle illustre néanmoins le désamour des électeurs français pour l’offre politique et pour la campagne, mais pas forcément pour la politique.

De nombreuses raisons

Beaucoup de raisons expliquent ces taux d’abstention élevés : le début des départs en vacances dans certaines régions, la non-inscription ou mal inscription sur les listes électorales mais aussi le contexte de la guerre en Ukraine et une campagne peu audible. Autant d’éléments qui ont joué sur les facteurs de l’attention.

Mais il existe aussi des raisons plus structurelles comme le sentiment exprimé dans les reportages ou enquêtes que « le vote ne va rien changer ».

On observe d’autre part une indécision toujours aussi importante chez les électeurs : un « réservoir de voix » qui se chiffrait à près de 30 % en 2017 et qui est à 20 % pour le premier tour de 2022. Cette indécision s’explique principalement par la recomposition radicale du paysage politique français.

Implosion des partis traditionnels

En réalité, les électeurs ne se reconnaissent plus dans les grands partis traditionnels de la gauche et de la droite de gouvernement. Pour la deuxième fois consécutive, ni le Parti socialiste ni Les Républicains ne seront présents au second tour de l’élection présidentielle alors qu’il s’agit des deux partis qui ont structuré l’histoire de la Vᵉ République et dont les électeurs étaient les plus familiers.

Or cette implosion s’est faite sur le temps long et a été parfois difficile à déceler car les partis traditionnels ont continué d’être présents lors d’élections intermédiaires comme les régionales ou les municipales.

Un vote utile qui s’est accéléré

On observe par ailleurs une dynamique de vote utile qui s’est accéléré de façon spectaculaire. Le vote utile vient en effet ponctionner les voix des candidats les moins bien placés dans les estimations. Ainsi Éric Zemmour (Reconquête!) ou Valérie Pécresse (LR) ont été les victimes de cette dynamique qui se comprend aussi par la polarisation de la campagne.

Ainsi, on estime qu’un candidat donné à moins de 10 % d’intentions de vote (seuil symbolique) peut rapidement perdre ses voix au profit d’un candidat mieux placé. Cette tendance peut s’exprimer en quelques jours. Le phénomène avait déjà été observé avec la candidature de Jean-Luc Mélenchon en 2017. En 2022, le candidat LFI a de nouveau bénéficié de ces voix au détriment de Yannick Jadot (4,30 %) et Fabien Roussel (2,60 %).

Si « voter utile » n’est pas nouveau, on observe l’accélération de cette tendance de façon très marquée depuis 2002 quand les électeurs avaient été pris au dépourvu lors de la qualification de Jean-Marie Le Pen contre Jacques Chirac.

L’éclatement du paysage politique est aussi l’une des raisons expliquant ce vote : pour les électeurs, c’est une façon de garder une forme de contrôle sur le second tour, même si pour cela ils doivent donner leur voix à un candidat qu’ils n’apprécient pas ou dont ils ne sont pas entièrement convaincus.

Ce phénomène montre par ailleurs les limites du scrutin uninominal à deux tours et complique les choix et la campagne de l’entre-deux tours.

En effet, le mode de scrutin actuel – que nous interrogeons dans nos recherches – encourage la polarisation des candidats: pour se « qualifier » au second tour à 22 ou 23 % des voix, ces derniers doivent montrer une vive opposition et lourdement critiquer leurs adversaires, ce qui rend difficilement légitime un ralliement par la suite au second tour.

En revanche, en raison de la forte désaffiliation partisane en France, il est moins évident de savoir si un « vote utile » au second tour se concrétisera par un vote de ralliement ou bien s’il sera remplacé par un vote blanc ou une abstention.

Journaliste-Chef de service rédactionnel. Formé en Sorbonne – soit la preuve vivante qu'il ne faut pas « nécessairement » passer par une école de journalisme pour exercer le métier ! Journaliste économique (entreprises, macroéconomie, management, franchise, etc.). Friand de football et politiquement égaré.

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