Temps de lecture estimé : 3 minutes

La Première ministre est reprise de justesse.

Avec seulement 9 voix d’avance, Élisabeth Borne passe très près de la censure, le tout moins d’un an après sa nomination. La suite du quinquennat est compromise.

Jouer à qui perd gagne. La semaine dernière, Élisabeth Borne s’est dite « choquée ». Choquée par un chant, l’hymne national, La Marseillaise. Les députés d’opposition ont osé couvrir sa voix pour protester contre l’article « 49.3 », dégainé pour la onzième fois en moins d’un an. Aujourd’hui, « la Première » sauve son poste, malgré les tumultes et les rages. Mais pas de gloriole. Comme l’indiquait avant le vote le député Charles de Courson (LIOT), initiateur de la motion de censure : « S’il nous manque dix ou quinze voix pour faire tomber le gouvernement Borne, ce n’est pas grave : il est déjà mort ! ».

Le même Charles de Courson a défendu âprement sa motion de censure transpartisane, accusant le gouvernement d’avoir « usé de toutes les manœuvres possibles pour contourner et contraindre le débat parlementaire ». Une accusation de « cynisme » reprise par la députée RN Laure Lavalette et par la présidente du groupe insoumis, Mathilde Panot, qui compare Emmanuel Macron à Caligula, l’empereur pervers. Aurore Bergé, patronne du groupe Renaissance, a tenté de défendre « la solidité » de la Première ministre, arguant qu’elle avait « fait honneur à la vie politique et démocratique de notre pays ».

La boîte de Pandore des colères

Élisabeth Borne sort grièvement blessée de la « séquence retraites ». Une séquence ? C’est en tout cas ce qu’on veut croire à l’Élysée. Le président de la République prévoit de s’exprimer à la télévision, pour changer de sujet, faire du zapping, oublier ce moment difficile, à présent que la réforme est passée – on ne peut pas dire « votée ».

On oublie tout et on passe à autre chose ? C’est oublier que les Français, à la différence de McKinsey et des communicants, ne fonctionnent pas par « séquences ». Pour eux, la réforme des retraites n’est pas un film, mais une réalité bien concrète qui va modifier leur quotidien. La défiance face au déni démocratique ne s’éteindra pas, elle va couver en profondeur ou s’exprimer immédiatement.

Ce « 49.3 » de trop ouvre peut-être la boîte de Pandore. Début d’un printemps de la colère ? Dès ce jeudi 23 mars, les manifestants retrouveront la rue avec la volonté d’aller plus loin. Du Conseil constitutionnel au RIP (Référendum d’initiative partagée), d’autres recours restent imaginables pour faire tomber cette réforme. Mais la violence est désormais un risque.

Il y a la défiance visible, celle qui s’exprime dans la rue. Il y a le sentiment intime, invisible d’abord, mais qui s’exprimera un jour dans les urnes. Alors, le président de la République va tenter de reprendre la main. Quasiment invisible depuis deux mois, il veut ressurgir et entraîner le pays vers d’autres horizons. Prendre la parole… Oui mais pour dire quoi, pour faire quoi ?

Emmanuel Macron, de Jupiter à Icare

Comme ses prédécesseurs Mitterrand et Chirac, sans doute plus encore d’ailleurs, Emmanuel Macron est confronté au vide du second mandat. Sans effet de souffle, sans perspectives, sans majorité réelle, le président sombre dans l’impuissance. Après un vote du budget particulièrement périlleux et ce « 49.3 » qui restera comme une plaie béante, le second quinquennat apparaît déjà usé et à bout de souffle.

Que faire ? Démettre « La Première » de ses fonctions ? Et pour la remplacer par qui ? Un remaniement n’offrira qu’un très bref répit. Dissoudre l’Assemblée et tenter de retrouver une majorité ? Ce serait folie pour le chef de l’État, qui aurait plus à perdre qu’à gagner en envoyant ses troupes à la défaite. Un référendum ? Mais sur quoi ? Un accord de gouvernement avec des LR plus divisés que jamais ? Scabreux.

Emmanuel Macron est donc face à l’impasse. Élu en 2017 en fracassant le Parti socialiste dont il fut l’émanation, il s’est ensuite évertué à détruire Les Républicains, avant de vouloir s’allier avec les lambeaux de l’ancien parti gaulliste.

Partisan de la théorie des « trois blocs » il a voulu apparaître en 2022 comme le seul recours face aux deux candidats prétendus « extrêmes » que seraient Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Sans doute utile pour être élu ; un peu moins pour gouverner. Résultat, sa pire ennemie est en bonne voie pour lui succéder en 2027. Aujourd’hui, Emmanuel Macron se retrouve seul. Jupiter est devenu Icare aux ailes brûlées. Humain, décidément trop humain…

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

J’accepte les conditions et la politique de confidentialité

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.