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Le voyage du chancelier allemand en Chine suscite l’ire des autres capitales européennes.
Olaf Scholz est le premier chef d’un gouvernement du G7 à se rendre à Pékin depuis la pandémie. Monnaie courante avant l’irruption du virus de Wuhan, les déplacements des grands occidentaux à Pékin sont devenus inexistants. Le symbole d’une mondialisation désormais régionalisée, où chacun reste dans sa zone d’influence.
Au cœur de la Cité Interdite, Olaf Scholz s’est affiché jeudi 3 novembre avec Xi Jinping. À bonne distance l’un de l’autre, les deux hommes se sont ensuite exprimés par des palinodies diplomatiques. Le représentant allemand indique vouloir « développer davantage » la coopération économique entre les deux pays. Xi Jinping veut « renforcer la coopération publique avec l’Allemagne ». Qu’en termes galants ces choses-là sont mises !
L’objectif réel de cette visite est bien entendu économique et industriel. Le chancelier a emmené avec lui tout ce que la République fédérale compte de grands patrons : Volkswagen, BASF…
Le social-démocrate et le communiste restent avant tout des pragmatiques. Et puis la tendance n’est pas nouvelle : en seize ans de mandat, Angela Merkel s’est rendue seize fois en Chine !
L’inquiétude des autres européens
Vu de Bruxelles, de Paris – et surtout de Londres – le voyage du chancelier en Chine passe mal. Déjà en délicatesse avec ses alliés sur plusieurs dossiers (Ukraine, budget européen et surtout prix de l’énergie) Olaf Scholz s’est de nouveau attiré l’inimitié d’une partie du Conseil européen.
Pour rassurer, et pour faire diversion, il a publié une tribune numérique sur le site de Politico, référence de l’information communautaire. De quoi calmer la crainte des gens de Bruxelles : « C’est précisément parce que le business as usual n’est plus une option dans ces circonstances que je me rends à Pékin. »
Méfiance et surtout dépendance
Il y a eu aussi, et c’est bien normal, le couplet habituel sur les droits de l’homme, qui semble un éternel copié-collé. Les démocraties sont toujours mal à l’aise : « Nous aborderons les sujets difficiles. » Ouïgours, Taïwan, Tibet… Il y a le choix.
Attention tout de même : l’Allemagne, comme tous les pays européens, est très dépendante de la Chine. Le projet de rachat du port de Hambourg (dont Olaf Scholz fut le bourgmestre) par un groupe chinois en est la dernière preuve en date. D’autres pays européens sont engagés dans un fort partenariat stratégique avec Pékin, souvent en lien avec les nouvelles routes de la Soie. On citera la Grèce, l’Italie, le Portugal, la Pologne, la Finlande…
En ligne de mire : le G20 de Bali
Cette réunion sera d’une grande importance : pour la première fois depuis la pandémie et la guerre en Ukraine ; Poutine, Xi et Biden seront au même endroit au même moment. On notera une information majeure, capitale même, presque passée inaperçue.
Lors de la réunion préparatoire au G20 de Bali, en juillet, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken et le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, se sont entretenus en bilatéral pendant plus de cinq heures… En matière diplomatique, surtout dans ce type de sommets, c’est une durée très rare.
Nous serions inspirés de nous souvenir des mots du Général de Gaulle, lors du Conseil des ministres du 8 janvier 1964 : « La Chine est une chose gigantesque. Elle est là. Vivre comme si elle n’existait pas, c’est être aveugle, d’autant qu’elle existe de plus en plus. Elle fut durant plus d’un millénaire la première puissance du monde, et il n’est pas impossible qu’elle le redevienne au siècle prochain. » Général, nous y sommes !