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Avec le recul de l’âge légal de départ en retraite, il va falloir traiter le sujet de l’emploi des plus de 50 ans.
Quelles mesures pour inciter à l’embauche de ces profils seniors, expérimentés et pourtant délaissés par les entreprises ?
Ah, les seniors. Le mot agace Bruno Le Maire – sans doute à raison. Quelle drôle de catégorie sociale (fixée à 50 ans selon l’Insee !). Il s’agit là d’un mot-valise au sens incertain, qui peut paraître offensant. Il exprime l’idée qu’à compter d’un certain âge, qui peut varier de 50 à 60 ans dans l’imaginaire collectif, la perspective est claire… Bientôt la retraite !
Les entreprises pratiquent des stratégies d’évitement
Dans trop d’entreprises, surtout les grandes d’ailleurs, on fait la chasse aux seniors. Salaires trop élevés, problèmes de santé, incapacité à s’adapter aux enjeux numériques, difficulté à se réinventer, démobilisation professionnelle face à la perspective de la quille… Les clichés sont difficiles à enrayer.
Temps partiel senior, plan de départ anticipé, plan de départ volontaire, pré-retraite ou carrément licenciement sec. Les voies et moyens ne manquent pas pour éjecter ces profils hors du monde professionnel… Résultat : le taux d’emploi des 55-64 ans s’élève en France à seulement 56 %. Un chiffre bien faible comparé à la moyenne européenne : 60,5 %.
Si rien ne change, les économies promises par cette réforme des retraites pourraient faire long feu. En effet, si le Trésor public doit financer l’allocation chômage d’une personne de 62 ans au lieu de financer sa pension de retraite… L’intérêt est très limité, voire nul.
40 % des salariés arrivent à la retraite sans travail
Une étude de l’Agirc-Arrco, régime complémentaire des salariés du privé, montre que 11,5 % des retraités arrivent à l’âge légal au chômage. Il faut ajouter que 6,2 % sont en arrêt maladie ou en invalidité. Mais tout cela n’est que la pointe immergée de l’iceberg.
Car il y a également 19,2 % des nouveaux retraités qui arrivent à l’âge de la pension en étant ni salarié ni inscrit à Pôle emploi. Des situations très diverses, qui vont du conjoint protégé par le statut financier de sa moitié (pas besoin de cotiser) ou de personnes qui travaillent à l’étranger, ou de bénéficiaires de l’AAH (Allocation adulte handicapé).
Mais la plupart du temps, il s’agit d’allocataires du RSA, chômeurs de longue durée, qui arrivent à l’âge de la retraite avec une pension famélique – en étant depuis très longtemps éloignés de l’emploi. Comme le résume Laurent Berger, toutes situations confondues, « 40 % des salariés aujourd’hui, quand ils arrivent à la retraite, ne sont déjà plus au travail ».
Le point aveugle de la réforme
Pour que la réforme des retraites ait un impact financier positif (c’est après tout son objectif) il est donc fondamental de favoriser l’emploi des plus âgés. Un sujet qui s’avère pour l’instant l’angle mort du plan Borne-Dussopt. Si le projet de loi contenait bien un « index senior » et un « CDI senior » proposés par la droite sénatoriale, les deux mesures ont été retoquées par le Conseil constitutionnel. Il faudra donc les intégrer à d’autres textes dans les prochains mois.
Seul bémol : « l’index senior » inquiète les instances patronales, qui voient dans cet outil de transparence une nouvelle contrainte administrative. Le « CDI senior » déplaît pour sa part aux syndicats, qui le jugent comme un contrat au rabais… Pas facile d’accorder les violons !
Mais au-delà de toutes ces mesures, c’est d’abord un regard, notre regard, qu’il faut changer. Sinon, cette réforme des retraites décriée socialement, adoptée politiquement, s’avérera inutile voire contreproductive financièrement.