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Les Restos du Cœur devront-ils se résoudre à refuser du monde cet hiver ? Ou pire encore, mettre la clef sous la porte ? Face à l’inflation qui gangrène, le risque est là. Seul un sursaut collectif permettra d’éviter cette catastrophe.
« La France s’est dégradée au fil des crises successives », s’indigne Claude Bougère, secrétaire générale des Restos du Cœur. L’association solidaire peine désormais à répondre à la demande croissante des plus modestes. Vers une crise de la solidarité ?
Dimanche 3 septembre, TF1 13 heures. Patrice Douret, le président national des Restos du Cœur, est l’invité d’Anne-Claire Coudray. Il lance un appel à l’aide. Non seulement pour les bénéficiaires – cela, nous en avons malheureusement l’habitude – mais pour l’association elle-même ; menacée de fermeture. En cause, le terrible piège de l’inflation.
« Nous, aux Restos, on subit un effet ciseau avec, d’un côté, un nombre beaucoup plus important de personnes aidées, et de l’autre, l’augmentation très forte des prix des produits qu’on achète pour les distribuer gratuitement, et l’explosion de nos propres coûts logistiques, notamment les entrepôts, les véhicules, le carburant… ». Patrice Douret poursuit : « Nous n’avons pas été suffisamment entendus. Nous avons bien sûr reçu des aides publiques, il ne faut pas le nier, mais elles sont très largement insuffisantes par rapport à la situation. Ce que l’on demande aujourd’hui, c’est un plan d’urgence alimentaire tel que cela avait été fait par l’Europe lors de la crise sanitaire pour pouvoir répondre d’urgence à ces besoins-là et sauver l’association des Restos du Cœur ».
L’insuffisante réponse du gouvernement
Les « Restos » de Coluche menacés de fermeture ? La nouvelle stupéfie évidemment les Français et le landerneau médiatique se met à turbuler. Le soir-même, toujours à TF1 20 heures, Aurore Bergé, ministre des Solidarités, tient à réagir. L’impétrante déclare : « Pour soutenir les Restos du Cœur, nous débloquons 15 millions d’euros. Nous continuerons notre effort sur l’aide alimentaire […] Quand il a fallu reconstruire Notre-Dame, nos grandes réussites françaises ont été au rendez-vous. Nous avons allié toutes les forces. Je leur demande d’être au rendez-vous de la solidarité nationale. Je les réunirai dès septembre ». Aurore Bergé renforce également les moyens accordés à l’enfance vulnérable (6 millions d’euros supplémentaires). Une annonce d’urgence alors que le nombre d’enfants à la rue explose : +20 % sur un an, soit près de 2 000 petits… Le tout au cœur de la rentrée scolaire.
Les annonces de la ministre yvelinoise ne semblent pas convaincre l’association. Ce qu’il manque aux Restos pour passer l’hiver, ce ne sont pas 15 millions d’euros mais 35 ; toujours selon Patrice Douret. Pire, le président des « Restos » indique qu’une bonne partie des 15 millions d’euros promis par la ministre étaient déjà inscrits au cœur d’un autre plan, appelé « Mieux manger pour tous »… Faut-il craindre un nouveau tour de passe-passe ? Quoi qu’il en soit, Patrice Douret estime que l’association devra distribuer 170 millions de repas en 2023 contre 140 millions en 2022.
Entreprises, citoyens, partis… Des initiatives s’engagent
Heureusement, depuis le pavé dans la marre lancé par l’associatif, des initiatives d’ordre privé se mettent en marche. « L’appel solennel aux entreprises » semble avoir été entendu. Premier à réagir, le groupe Les Mousquetaires « va mettre en place, avant la fin de l’année, des opérations de collecte spécifiquement dédiées aux Restos du Cœur via ses enseignes Intermarché et Netto ». Thierry Cotillard, président du groupe de grande distribution, déclare dans un communiqué : « Nous ne pouvons pas rester indifférents aux difficultés que rencontrent nos concitoyens pour bien se nourrir, ou même juste se nourrir ».
Son homologue de Carrefour, Alexandre Bompard, promet que son groupe répondra présent. Sur un autre plan, certains partis politiques comme La France insoumise ou le Rassemblement national annoncent qu’ils organiseront – avec leurs militants – des collectes solidaires aux abords des grandes surfaces. Notons aussi, évidemment, le geste spectaculaire de la famille de Bernard Arnault, qui va verser à l’association la somme exceptionnelle de 10 millions d’euros.
En parallèle, les Restos du Coeur ont fait face, dimanche 3 septembre, à un terrible acte de vandalisme dans leurs locaux de Wattrelos (Nord). Douze camions solidaires ont été ciblés dans ce qui s’apparente à un acte de violence gratuite. Pneus crevés, pare-brises grevés, locaux saccagés… 40 000 bénéficiaires dépendent de ce centre. Les bénévoles locaux se disent « écœurés ». L’association, déjà souffrante, n’avait pas besoin de ce choc supplémentaire, très violent. Espérons que la solidarité des Français, l’action de l’État et la mobilisation du secteur privé permettront d’engager le sursaut nécessaire. L’initiative lancée par Coluche au cœur de l’hiver 1985 ne doit pas s’éteindre.