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Nos armées sont dans l’expectative budgétaire. Leurs crédits pour les sept prochaines années font en ce moment l’objet d’intenses tractations.
Ce fut la première crise véritable qu’eût à subir Emmanuel Macron. 19 juillet 2017 : Pierre de Villiers, Chef d’état-major des armées, quitte ses fonctions sous les applaudissements nourris des militaires. La Grande Muette sortait de son légendaire silence. Villiers avait critiqué, dans un langage fleuri, au sein du huis-clos d’une commission parlementaire, les choix budgétaires en matière de défense du jeune président.
D’un mouvement colérique, Emmanuel Macron le relevait aussitôt de ses fonctions. « Je suis votre chef ! », déclarait-il quelques jours plus tard aux militaires, dans les jardins du ministère des Armées. L’impression d’un président ombrageux, pour ne pas dire capricieux, effrayé par les forts caractères et les personnalités capables de s’opposer à lui, « imprimait » durablement.
Depuis cette crise initiale, les relations avec les Armées se sont réchauffées, grâce, notamment, au relèvement exceptionnel du budget (+ 25 % depuis 2017). Mais depuis quelques jours, certaines crispations remontent à la surface… L’argent, le fameux nerf de la guerre, est toujours en cause.
« LPM ». Loi de Programmation Militaire. Un texte-cadre, le budget des armées, dont l’application est prévue pour sept ans (2024-2030) afin de donner de la visibilité. Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialisé, révèle dans L’Opinion qu’un Conseil de Défense à l’ambiance amère s’est tenu à l’Élysée, le 28 septembre. Le Chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard, présentait sa « copie budgétaire » à Emmanuel Macron. Un document de travail très abouti que le Président a refusé de valider.
Quel budget pour les Armées ? L’état-major réclamait 435 milliards (sur sept ans), le ministère 410 milliards et Bercy… 375. Emmanuel Macron n’a pas tranché entre ces propositions et laisse pour l’heure planer le doute.
Il a demandé à ce que chaque composante des Armées (marine, aviation, renseignement…) fournisse sa liste des « effets recherchés », en termes prosaïques, de ses besoins. Avec le risque d’aboutir à un inventaire à la Prévert, et surtout de renforcer la guéguerre entre les divers organismes.
Une doctrine bouleversée par le retour de la guerre
Sébastien Lecornu, ministre des Armées, indique « qu’il n’y a pas de mauvaises nouvelles budgétaires à attendre » et rappelle à juste titre l’effort financier impulsé par Emmanuel Macron depuis son arrivée au pouvoir.
Mais la réalité est là, implacable et menaçante. En cas de « conflit majeur de haute intensité » les militaires parviendraient à tenir une ligne de front de 80 kilomètres seulement ! Un chiffre qui émane de l’état-major lui-même. Préoccupant.
Le soutien à l’Ukraine pèse également très lourd. L’exemple des canons Caesar le prouve à l’évidence. L’armée a déjà livré à Kiev le quart de son stock (18 canons sur 76). Au sommet de la Communauté politique européenne, au château de Prague, le 7 octobre, Emmanuel Macron s’est engagé à distribuer 18 nouvelles pièces de cet attirail essentiel.
Ces canons-là ne sont pas prélevés au sein notre parc national, il s’agit de commandes à l’origine destinées surtout aux armées françaises et danoises – mais aussi pour partie aux tchèques et aux belges. L’usine Nexter, à Bourges, qui fabrique lesdits canons, indique ne pas pouvoir pousser sa production au-delà de la centaine d’appareils par an. D’âpres négociations sont en cours pour déterminer à combien de canons chacun est prêt à renoncer.
Aider l’Ukraine à se défendre sans bouleverser sa propre stratégie militaire, en bref sans trop se découvrir. Voilà un épineux dilemme.